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qui a été parfois perdue de vue, n’avait pas échappé à ceux de nos compatriotes qui, à la fin du XVIIIe siècle, suivaient avec un sympathique intérêt l’évolution politique des anciennes colonies anglaises d’Amérique et dont quelques-uns avaient pris avec La Fayette une part si brillante à leur affranchissement. Dans ses Sources de la Constitution des États-Unis[1], M. C. Ellis Stevens cite une curieuse lettre que le duc de la Rochefoucauld écrivait à Franklin, en 1789, sous l’influence des idées nouvelles qui faisaient alors sentir leur action même dans le monde de la Cour et où il exprime sa surprise que les Américains iraient pas cru devoir assigner des limites plus étroites à la puissance présidentielle.

Vingt-cinq Présidens ont depuis lors gouverné les États-Unis d’après les principes que nous venons d’esquisser, sans que l’exercice de ces prérogatives ait soulevé les susceptibilités des Chambres fédérales. On a pu voir même par les détails donnés plus haut qu’elles se sont montrées disposées à en étendre plutôt qu’à en limiter l’application.

Il est à noter d’autre part que les Présidens qui ont obtenu le bénéfice d’une réélection ont presque toujours été ceux dont la personnalité s’est le plus énergiquement affirmée et qui avaient le plus manifestement usé de leurs pouvoirs. À ce point de vue, la liste des hôtes de la Maison Blanche est intéressante à consulter. A l’origine de la République, le renouvellement du mandat présidentiel est presque de règle[2]. Des sept premiers

  1. Sources of the Constitution of the United States, New-York, 1894.
  2. La question de la durée des pouvoirs présidentiels avait donné lieu à de longues discussions dans le congrès de Philadelphie, où fut élaborée en 1787 la Constitution, et il s’en fallait de beaucoup que l’unanimité fût acquise à l’idée qui a prévalu de la limiter à quatre années. Le terme de six ans comptait d’assez nombreux partisans ; celui de quatre a été finalement adopté comme intermédiaire entre les six années du mandat sénatorial et les deux ans assignés aux députés.
    M. C. Ellis Stevens, dans l’ouvrage déjà cité, exprime le regret que cette période ne soit pas plus longue et croit pouvoir en prédire l’extension dans un délai plus ou moins rapproché. « Une notable fraction de la nation, écrit-il à ce propos, et la plus intelligente, est on faveur d’un amendement constitutionnel qui prolongerait la durée du terme présidentiel. Une longue présidence a pour elle tant d’argumens que les dangers qu’elle peut offrir ne sont pas nettement perçus et que vraisemblablement l’opinion publique s’orientera tôt ou tard dans cette direction. »
    Quoique ce pronostic nous paraisse quelque peu hasardé, l’auteur américain peut invoquer à l’appui de sa thèse l’exemple du Mexique qui, avec un système fédératif rappelant de très près celui des États-Unis, jouit depuis vingt ans, sous la Présidence cinq fois renouvelée du général Porfirio Diaz, d’une tranquillité et d’une prospérité qu’il n’avait pas connues jusqu’alors.