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romance, je chercherais peut-être ailleurs les hymnes de ma patrie. Pour les jours de deuil et de misère, je choisirais la « Mort de Jeanne, » et le chant des Almogavars pour les jours de combat, de gloire et de liberté.


IV

Telle est l’œuvre. Écrite il y a dix ou douze ans, elle n’a jamais été représentée. On ne peut répondre avec assurance de l’effet qu’elle produirait au théâtre ou, comme on disait jadis, aux chandelles. Il est du moins permis, après lecture, d’affirmer qu’une vie encore cachée, mais puissante, est en elle. Sérieuse et forte, ne contenant rien de bas ou seulement de frivole et d’agréable avec banalité, plutôt que de contrefaire un idéal étranger, elle restitue et relève, — très haut, — l’idéal de la patrie. Par là, comme sa sœur lointaine à laquelle on a vu qu’elle ressemble, cette musique nous donne une précieuse leçon. Leçon nouvelle, ou plutôt renouvelée, car de grands siècles d’art l’ont autrefois entendue et suivie. Ils furent souvent nationaux et populaires, les « timbres » grégoriens du moyen âge, que les fidèles à l’église entonnaient d’une seule voix. L’élément populaire subsista dans la polyphonie des âges suivans, et les maîtres flamands, italiens ou français, ne craignirent pas toujours de construire sur des thèmes familiers, profanes même, leurs chefs-d’œuvre religieux. Les temps changèrent bientôt. L’Italie créa le récitatif, puis la mélodie. La musique se fît plus aristocratique et plus individuelle ; avec le peuple désormais elle cessa d’avoir rien de commun. En même temps, elle devenait commune à tous les peuples et dans la beauté pour ainsi dire internationale des chefs-d’œuvre classiques, les caractères et les différences ethniques allaient s’effaçant. Les Bach, les Haydn et les Beethoven ont fait autrefois en leur génie peu de place au génie populaire. Wagner, de nos jours, en dépit de ses théories sur le peuple créateur de l’œuvre d’art, s’est montré, dans la pratique, le moins « peuple » des grands musiciens.

Autant que l’Allemagne, l’Italie et la France ont trop délaissé « la musique naturelle, » comme dit si bien l’auteur de Los Pirineos. Puisque l’Espagne et la Russie nous donnent aujourd’hui le conseil et l’exemple d’y revenir, écoutons-les. Déjà ces vingt dernières années ont vu paraître plus d’un signe favorable : je veux dire quelques œuvres que le sentiment national et populaire anime. C’est Haensel et Gretel en Allemagne ; en Italie, cette Cavalleria, qu’on a traitée trop