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tranquillité : — « Je crois que vous pourrez entrer dans cette institution. »

Il y entra comme portier, trop heureux de trouver ainsi le moyen de gagner du premier coup la pension tout entière. Cette expérience de balayage lui avait servi d’examen d’admission et il ne put être plus fier par la suite en recevant le diplôme de Harvard. Avec l’humour qui le caractérise, Washington l’a dit maintes fois : « J’ai passé bien des examens depuis lors, mais j’ai toujours senti que le premier était celui où je m’étais distingué le plus. »

La place de portier de Hampton n’était pas une sinécure. Dès quatre heures du matin il fallait allumer les feux et, dans le courant de la journée, nettoyer, mettre en ordre un grand nombre de pièces. Washington étudiait souvent une partie de la nuit ; et ce genre de courage n’était pas chose exceptionnelle. Ils étaient là trois ou quatre cents individus des deux sexes, qui poussaient jusqu’à l’héroïsme la volonté d’apprendre. Chose touchante, aucun d’eux ne paraissait stimulé par la pensée du succès personnel ; ils pensaient plutôt à « leur monde » qu’ils auraient ensuite le devoir d’élever. Quelques-uns approchaient de la quarantaine ; la plupart étaient trop âgés pour profiter beaucoup des leçons que donnent les livres ; mais, comme le répète volontiers Washington, ce qu’on apprenait dans les livres à Hampton ne formait qu’une bien petite partie de l’éducation. L’exemple des maîtres pénétrait avant tout les étudians de cette grande vérité : les gens les plus heureux qu’il y ait au monde sont ceux qui font le plus de bien. A force d’attention, de sérieux et par l’énergie toujours tendue de leur ardent désir, les moins heureusement doués parmi ces pauvres nègres attrapaient toujours quelques bribes d’instruction élémentaire, mais l’essentiel était d’apprendre à vivre.

Voici les axiomes du général Armstrong : — « Ce qu’on appelle communément sacrifice est le meilleur usage que l’on puisse faire de soi-même et de ses ressources, le meilleur placement de notre temps, de nos forces, de notre argent. Celui qui ne se sacrifie pas est à plaindre ; c’est un païen, il ne sait rien de Dieu. — Dans une école le point important est d’éviter les querelles, de se tenir étroitement unis, tous ensemble, et de se débarrasser des esprits de travers, quel que soit leur degré de culture. — La prière est le plus grand pouvoir qui existe ici-bas ; elle nous