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En tête des professeurs, Washington place les femmes, l’excellente miss Mackie, sa première protectrice, qui, appartenant à une famille ancienne et distinguée du Nord, ne dédaignait pas de vaquer dans l’école aux plus grossières besognes pour mieux donner l’exemple aux étudians. Quoiqu’elle eût été délicatement élevée, cette sœur de charité protestante et émancipatrice nettoyait, époussetait, lavait les fenêtres, côte à côte avec ses élèves, pénétrés ainsi de la dignité du travail manuel. À une autre de ses maîtresses, miss Lord, Washington dut de bien comprendre non seulement le sens spirituel, mais les beautés, la grandiose poésie de l’Écriture Sainte. Ce fut aussi miss Lord qui, en lui donnant des leçons d’élocution, le prépara au rôle public qui l’attendait. Tous les samedis, se réunissait à Hampton une Société de débats et de discussion. Jamais Washington ne manqua une séance ; en outre, ayant remarqué qu’entre le souper et l’étude du soir ses camarades avaient vingt minutes de récréation généralement gaspillées, il proposa aux plus intelligens d’employer ce temps à causer de quelque question sérieuse, excellent prélude au talent oratoire qui sommeille chez tout Américain, de quelque couleur qu’il soit.

Ces hautes préoccupations ne l’empêchaient pas, durant les vacances, de faire le métier de garçon de restaurant ; il économisait de toute manière, blanchissait son linge lui-même, s’interdisait le moindre superflu et cependant n’arrivait pas à mettre de côté l’argent nécessaire pour aller voir sa mère, ce qu’il désirait par-dessus tout. Vers la fin de la seconde année seulement il put, grâce à un envoi du brave John, se rendre à Malden, et c’est un touchant récit que celui de la rencontre de ces frères qui s’aimaient d’une si fidèle tendresse, quoique l’un continuât de travailler dans les ténèbres des mines, tandis que l’autre