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Des lettres furent écrites par lui au Conseil municipal de Toulon, dans lesquelles il demandait s’il ne serait pas possible de trouver dans la ville des jeunes filles qui consentiraient à épouser ses colons, et, pour encourager les unions, sept cents francs furent donnés en cadeau de noce aux futurs époux. À ce prix, on trouva des jeunes filles qui consentirent à s’unir aux colons de Fouka. Mais, aussitôt mariés, les époux se mirent de concert à manger la dot, et, quand il n’y eut plus rien, les querelles commencèrent. Les jeunes mariées, l’une après l’autre, s’évadèrent ; des célibataires les suivirent. Un an après sa fondation, la population de Fouka ne comptait plus que 40 personnes ; les deux tiers s’étaient enfuis. Deux autres expériences tentées avec les mêmes élémens et dans des conditions semblables, à Mabelma et à Béni-Méred, ne réussirent guère mieux.

A la fondation des trois villages de Fouka, de Béni-Méred, et de Mahelma, se borna toute la participation de l’autorité militaire à l’œuvre de la colonisation officielle au cours de huit années, de 1840 à 1848. Et cependant cette autorité possédait des moyens d’action très puissans : elle avait à sa disposition toutes les ressources de l’armée et, n’empruntant à aucune autre administration son personnel et son matériel, se suffisait à elle-même. Cette inertie fut d’autant plus singulière que, pendant la même période, l’administration civile, quoique moins bien outillée, déployait une activité pour ainsi dire fébrile. Dès la fin de 1841, la direction de l’intérieur du gouvernement général de l’Algérie qui était chargée du service de la colonisation civile, créait un village à Kadous, aux portes d’Alger. Au cours des années qui suivirent, elle fondait El-Achour, Draria, Cheraga avec neuf autres centres dans le Sahel ; elle s’occupait en même temps de repeupler d’Européens la Mitidja et fondait dans cette plaine les villages de Montpensier, de Dalmatie et de Joinville, dans la banlieue de Blidah, et ceux de la Chiffa, du Fondouk et de la Souma. D’autres créations avaient également lieu par ses soins dans les provinces d’Oran et de Constantine. C’est ainsi que, de 1840 à 1845, vingt-cinq villages furent fondés. Mais alors apparut encore un nouveau vice de la colonisation officielle : le manque de colons. Il ne suffisait pas en effet de créer hâtivement des villages, il fallait les peupler. L’administration, qui avait fait appel à des cultivateurs de France et qui ne voyait pas ceux-ci trop s’empresser de venir habiter ses concessions, dut se résigner à accueillir