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des échanges et à des compensations. C’était la nécessité imposée de renoncer à bref délai à la colonisation officielle. L’administration algérienne imagina alors une combinaison qui devait lui fournir en peu d’années les moyens de se procurer les terres dont elle jugeait avoir besoin. Il s’agissait de créer 175 nouveaux centres, susceptibles de recevoir 9 649 familles et comprenant une superficie totale de 380 668 hectares. Le domaine fournissait 81 009 hectares ; le surplus, soit près de 300 000 hectares, serait acquis des indigènes, soit de gré à gré, soit, de préférence, par expropriation. L’opération devait coûter au Trésor 50 millions. Mais une vive opposition se manifesta dans la métropole à l’annonce du projet. Ses adversaires s’attachèrent à démontrer qu’en le réalisant, on atteindrait les indigènes dans leurs droits et leurs intérêts, qu’au surplus 50 millions avaient déjà été dépensés depuis dix ans pour installer 30 000 personnes ; que beaucoup de colons attirés par l’appât des concessions gratuites avaient encouru la déchéance ou aliéné leurs lots pour s’en retourner ruinés et mécontens ; et la Chambre, obéissant à des considérations d’équité et d’économie, rejeta la proposition. Malgré ce contretemps, la colonisation officielle n’en a pas moins continué à fonctionner jusqu’à aujourd’hui, quoique d’une manière de plus en plus ralentie, il est vrai. C’est ainsi que, de 1882 à 1890, on a installé ou agrandi 46 centres comprenant 96 000 hectares sur lesquels on a établi 11 000 personnes, moyennant 8 millions et demi de francs, et que, de 1890 à 1896, on a ouvert 24 centres et agrandi 45 ; 94 117 hectares ont été concédés à 4 022 personnes ; les dépenses n’ont été que de 4 982 540 francs.

Mais les mêmes erremens ont produit les mêmes résultats, et l’on a vu pendant la dernière phase de la colonisation nouvelle, qui va de 1870 à 1896, se produire dans les fluctuations de la population le même phénomène qui avait déjà eu lieu dans la période de 1840 à 1870. Les évictions, les déchéances, les abandons de concessions ont été des plus nombreux. C’est ainsi que de 1871 à 1881, sur les 9 858 familles installées, 3 198 familles étaient évincées ou déchues dès 1881 ; un peu plus tard, il en succombait encore 2 671. En d’autres termes, sur 9 858 familles installées à l’origine, 5 879, près des deux tiers, avaient disparu, et l’Etat se trouvait avoir fait des dépendes en pure perte pour les deux tiers des colons qu’il avait installés.

Déjà, dès 1890, M. Burdeau signalait le dépérissement d’un