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véritable, la Caisse d’épargne de Paris, fut reconnue, et ses statuts homologués par ordonnance royale du 29 juillet 1818. C’était, aux termes de ces statuts, une société anonyme, établie avec l’autorisation du gouvernement sous la dénomination de Caisse d’épargne et de prévoyance, à l’effet « de recevoir en dépôt les petites sommes qui lui seront confiées par les cultivateurs, ouvriers, artisans, domestiques, et autres personnes industrieuses. » Chaque dépôt devait être « d’un franc au moins et sans fraction de franc. » La Compagnie royale d’assurances, par le moyen de vingt de ses actionnaires fondateurs, « dotait » la Caisse d’épargne et de prévoyance d’une somme de 1 000 francs de rente, 5 pour 100, destinée à « former le premier fonds de la caisse, » et la logeait en outre dans un coin de ses locaux : humble origine d’une grande fortune. Entre 1818 et 1835, la Caisse d’épargne de Paris a sans doute provoqué des imitations en province, car la loi du 5 juin 1835 parle « des caisses d’épargne autorisées, » et les livrets y sont assez nombreux pour qu’elles soient admises à verser leurs fonds en compte-courant à la Caisse des dépôts et consignations, caisse que, deux ans plus tard, en 1837, une autre loi chargea obligatoirement de recevoir ces fonds et de les administrer à l’avenir[1].

Puis, une loi de 1845[2] nous conduit jusqu’en 1848. Période révolutionnaire, où il est à plusieurs reprises question des caisses d’épargne, mais surtout, — et Ton ne saurait s’en étonner, — à cause de l’affluence des demandes de remboursement, de l’excédent des « retraits » sur les versemens[3]. L’épargne, inquiète on effrayée, s’enfuit du Trésor public et des caisses reliées au Trésor : elle s’abaisse en même temps que la confiance, rentre sous terre, et s’enfouit. Il faut avouer que cette épouvante n’est point du tout injustifiée. Elle est l’effet non seulement des perturbations de la rue, mais des préventions connues et étalées de quelques-uns de ceux qui détiennent alors le pouvoir, de leurs déclamations contre « l’immoralité » de la caisse d’épargne. A les entendre, la caisse d’épargne ne serait alimentée qu’en partie par les bénéfices du travail honnête. « Receleuse aveugle et autorisée d’une foule de profits illégitimes, elle

  1. Loi du 31 mars 1831, art. Ier.
  2. 22 juin.
  3. Décret du gouvernement provisoire (9 mars 1848). — Décret de l’Assemblée nationale (7 juillet 1848).