Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’établissement et la rupture du blocus d’Ajaccio, qui puissent être considérés comme d’intéressantes opérations tactiques. Il y a même eu, dans le combat qui a suivi la rupture du blocus, la preuve que les mouvemens du champ de bataille découleront le plus souvent, d’une manière immédiate, de circonstances antérieures, extérieures en quelque sorte, à l’engagement, si bien que l’avantage au début, avantage que l’intensité et la puissance du feu des bâtimens modernes peut rendre décisif, appartiendra à celle des deux forces navales dont la tactique judicieuse aura le mieux su créer, ou seulement utiliser, ces circonstances favorables.

— Et la tactique des renseignemens ?…

— Ah ! c’est ici qu’il me semble que nous avons fait le plus de progrès, de progrès d’autant plus méritoires que le nombre de nos éclaireurs — il vaudrait mieux dire « renseigneurs » — est tout à fait insuffisant, malgré tout ce qu’on a pu dire depuis quinze bonnes années.

— Oui, hélas !… Et comme la vérité a peine à se faire jour !… Vous qui lisez l’histoire et qui n’êtes pas de ceux qui croient que le passé ne peut rien apprendre au présent, vous rappelez-vous les lamentations de Nelson au sujet de ses frégates ? Il n’en a jamais assez, il en réclame sans cesse à l’Amirauté, et de rapides, et de bien commandées. Au reste les idées étaient parfaitement arrêtées à cette époque sur la proportion convenable, dans une force navale organisée, des bâtimens de ligne et des bâtimens légers : Toulon devait, en 1786, fournir, pour le cas de guerre, deux escadres composées chacune de 9 vaisseaux, 9 frégates et 9 corvettes, soit deux bâtimens légers pour un de ligne[1]. Il s’en faut bien que nous en ayons autant, et cependant la nécessité apparaît plus pressante d’être renseigné promptement, abondamment, et plus vif l’intérêt d’être « couvert, » pour les flottes rapides d’aujourd’hui que pour les flottes lentes d’autrefois.

— Certes !… mais je pense bien qu’à la suite des manœuvres de l’an dernier et de celles-ci, on recommencera à construire des croiseurs (je me sers du nom usuel, vulgaire). En attendant, outre que nous nous sommes très heureusement servis de ceux que nous avions, nous avons mis en œuvre des moyens nouveaux…

— On nous l’a dit : des moyens dont la préparation

  1. Maurice Loir, La Marine royale en 1789.