Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aléa du temps, il n’est point aisé de tout régler à l’avance ; ou, si l’on admet trop de cas, on risque de tomber dans la complication. Nous ferons pour le mieux, mais tout le monde hoche la tête. Ah ! comment se fait-il que la « rade » de Dunkerque en soit encore à l’ébauche tracée par la nature et qu’il serait si facile d’achever ?… Comment ! nous avons là, courant le long de la côte et à un mille environ de celle-ci, un mur naturel, un banc de sable dur qui émerge presque à mer basse — tout à fait même en certains points — et l’idée ne nous hante pas de compléter ce mur, de l’achever avec quelques blocs de béton ?… Du coup, quelle rade parfaite, au lieu du mouillage tourmenté, précaire, où nos frégates cuirassées, en 1870, roulant bord sur bord, embarquaient péniblement, lentement, un peu de charbon et d’eau !

On ne niera pas sans doute la valeur militaire de Dunkerque ? Un enfant la reconnaîtrait, et s’il suffirait déjà de dire que c’est notre seul port sur la mer du Nord, on peut bien aussi rappeler la crainte qu’en avaient les Anglais et que ce n’était pas seulement le souvenir de Jean Bart qui inspirait les humiliantes stipulations du traité d’Utrecht, mais encore le plus juste instinct stratégique.

Au reste, indispensable pour faire de Dunkerque la précieuse base d’opération maritime qu’il doit être, la digue du Brack-bank ne serait pas moins utile à l’actif emporium qui grandit, qui s’enrichit, qui se développe tous les jours là-bas, au débouché des populeux canaux de Flandre. Car, outre que les vapeurs et les voiliers à quatre ou cinq mâts sont souvent obligés d’attendre plusieurs heures au mouillage extérieur qu’il y ait assez d’eau pour rentrer dans le port, et que d’ailleurs la mer, quand elle bat directement en côte, rend l’accès des jetées fort dangereux, Dunkerque, pourvu d’une rade abritée, deviendrait un port de réexpédition et de transit, une escale de grands paquebots, un port franc bientôt, un dépôt de matières premières qui recevraient sur place, et sans acquitter de droits, une immédiate et fructueuse mise en œuvre, grâce au bas prix des charbons.


14 septembre. — Le Dupuy-de-Lôme, le D’Assas, et trois contre-torpilleurs sont partis hier soir pour préparer le mouillage de l’escadre à Dunkerque. Nos postes seront marqués par de petits plateaux portant le signe distinctif de chaque bâtiment.