Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui n’en finissait pas ! — C’est comme ça que les représentaient les images d’Epinal qu’on m’achetait quand j’étais bien sage… Les temps sont changés, fort heureusement ! Oui, les voilà ; ils vont vile : les coques grandissent, s’élèvent sur l’horizon, l’une toute notre qui doit être celle du Standart, les deux autres blanches, ou gris clair, et tout d’un coup éclate notre canonnade : cette fois, c’est 101 coups par bâtiment, soit plus de 2 000. Pénible épreuve pour les tympans ! Ce qui nous sauve, c’est qu’on n’a mis en jeu que les 47 millimètres et que, d’ailleurs, nous sommes placés sur la passerelle arrière, tandis que font rage sur la passerelle avant nos braves petits pétards.

Mais qu’a-t-on fait au Snow, où devait avoir lieu le transbordement ? Quelle décision a-t-on prise ? — La réponse arrive sans tarder : le Standart stoppe à 800 mètres environ de nos têtes de ligne et laisse tomber son ancre de bâbord, manœuvre qu’imitent aussitôt le Cassini et toute la suite, sauf les torpilleurs d’escorte.

C’est donc ici, en face de l’entrée du port, que l’opération aura lieu. Seulement quel est « le cas » qui va se présenter, des trois qu’admettent nos renseignemens officiels ?

D’abord il n’est pas possible que la Tsarine se rende à bord du Cassini, en dépit de la séduction qu’exerce sur elle. — n’en doutez pas, — la jolie tente blanc et bleu. On ne peut dire en vérité qu’il fasse mauvais, mais enfin ce n’est pas, pour une impératrice, un temps à se promener sur l’eau dans un frêle esquif. Aux échelles de coupée dont les coups de mer soulèvent brutalement les plates-formes inférieures, on risquerait de sérieux accidens. Le Président lui-même, — qui a bien le droit de n’avoir pas le pied marin, — s’y risquera-t-il ?…

Il s’y risque, et le canot de notre amiral, sans trop d’encombre, le conduit à bord du Standart, où, aussitôt, le pavillon du Président français, hissé au grand mât, vient mêler ses plis à ceux du pavillon impérial.

10 h. 40. — « Le Standart lève son ancre ! » crie le guetteur. C’est le moment décisif : la revue va commencer. Le Tsar et le Président la passeront sur le yacht russe et dès lors toute incertitude cesse : nous sommes dans le troisième cas, prévu, réglé par le protocole.

Eh bien ! qu’est ceci ?… Il était convenu, arrêté que le Cassini serait, en tout cas, chef de file et surtout que le cortège