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Parlement qu’il reçoit en 1718. Vues d’un peu loin, ces scènes rappellent les Nativités des églises : les vieux conseillers en longues robes, agenouillés devant le bel enfant, font penser aux mages prosternés devant un petit Jésus. Quelques années encore, et l’indolente sagacité de Louis XV trouvera des paroles prophétiques pour peindre ces parlementaires : il dira d’eux à Mme de Pompadour : « Je déteste ces longues robes… Ils Uniront par perdre l’Etat. Vous ne savez pas ce qu’ils font et ce qu’ils pensent : c’est une assemblée de républicains. En voilà au reste assez : les choses comme elles sont dureront autant que moi. » — Ils ont pris du vol, les grands robins, depuis le règne précédent : on en a l’impression devant les beaux portraits de Largillière, où se carrent avec des airs de maîtres Urbain Lepeletier, Thomas Morant, et ce pâle Maupeou.

Les écrivains sont moins fiers ; ils n’auraient que de faibles raisons de l’être : Age ingrat pour la corporation. Je ne rencontre sur la cimaise que ces figures et ces mentions : Jean-Baptiste Rousseau, poète ; Gresset, poète ; Destouches, auteur dramatique ; et le vieux Fontenelle, philosophe. Voilà pourtant un autre roi qui pointe à côté de Louis XV : un Voltaire jeune, par De Troy ; visage aimable et pimpant, où rien n’annonce le rictus du squelette légendaire. Déjà bâtonné, embastillé, il n’en est pas moins empressé à humer l’air du beau monde et de la cour ; il va même y prendre gîte, tout près d’ici, dans l’aile des Princes : on trouve aux comptes des bâtimens une requête de M. de Voltaire, historiographe du roi, demandant en 1746 qu’on fasse des réparations à son logement, une porte à des privés publics qui l’incommodent. — Il faut avancer dans les salles et dans le siècle pour arriver aux bustes des philosophes, installés dans le grand cabinet de travail, comme les vrais maîtres du destin français. Houdon et Lemoyne ont paré de tout leur art ces fronts que la pensée éclaire : d’Alembert, Helvétius, Diderot, Voltaire encore. Quant à Jean-Jacques, ce n’est pas à la cour qu’il faut aller pour rencontrer le sauvage.

Les princes et les princesses reparaissent, nombreux, sur la tige de Bourbon un moment si appauvrie, si menacée par la rafle funèbre qui dévasta la famille de Louis XIV à l’aube du siècle. Les Espagnols, Philippe V et ses enfans, reviennent visiter leurs neveux et cousins. Qu’ils se sont vite défrancisés ! Il y a toujours des Pyrénées. Ces figures falotes ont déjà pris,