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nous avons compris les communications assez sommaires et confuses que M. le ministre des Travaux publics a faites, soit aux journaux, soit à des délégations ouvrières venues pour l’interroger, il s’agirait beaucoup plus d’une caisse de secours que d’une caisse de retraites. Une caisse de secours a l’avantage de pouvoir fonctionner immédiatement ; seulement il faut la remplir, et, dans l’état actuel de nos finances, ce n’est pas aussi aisé que le gouvernement parait l’imaginer. Mais, sur ce point, il a pris un engagement ; nous n’avons plus qu’à en attendre l’exécution pour juger du mérite du projet.

On le voit, le gouvernement n’a pas dissipé les illusions qu’on a jusqu’ici fomentées dans l’esprit des ouvriers, ou du moins il ne l’a fait qu’en ce qui concerne le minimum de salaires. De même, il n’a pris une attitude un peu ferme qu’en ce qui concerne la discussion immédiate qu’il a repoussée. Il a eu la majorité ; mais cette majorité, plus faible qu’à l’ordinaire, a été due au centre de la Chambre. On a vu des hommes comme M. Méline, comme M. Ribot et tant d’autres, qui votent généralement contre le cabinet, voter cette fois dans le même sens que lui et remplacer dans sa majorité les radicaux et les socialistes dissidens. Cette conduite leur a même été très vivement reprochée, et on comprend qu’elle soit jugée de manières différentes suivant qu’on tient plus de compte des devoirs généraux d’une opposition, qui sont de voter contre le gouvernement, ou des circonstances spéciales qui ont amené le centre à s’en départir exceptionnellement. Nous avons dit que la situation était grave ; le péril semblait menaçant pour le lendemain même ; il pouvait se traduire par des échauffourées sanglantes. Céder aux injonctions impérieuses de M. Basly en votant la discussion immédiate pouvait paraître une faiblesse ; le gouvernement, en repoussant cette discussion, avait pris l’attitude qu’il devait prendre. Ces considérations ont agi sur le centre ; mais, soit qu’on l’approuve, soit qu’on le blâme, son vote avait besoin d’être expliqué. Pourquoi ne l’a-t-il pas été ? Quelques paroles énergiques et fermes qui auraient dégagé et fixé la responsabilité, la lourde responsabilité du gouvernement, en face d’un péril qu’il avait lui-même fait naître, étaient indispensables : elles n’ont pas été prononcées. On pouvait voter avec le ministère, mais il ne fallait pas que personne pût croire qu’on votait pour lui. Le vote silencieux du centre a fait naître une équivoque qui n’est certainement que dans les apparences, mais qu’il faut dissiper. Que n’a-t-on pas dit ! On a dit, par exemple, que le ministère actuel, un ministère dont fait partie M. Millerand, pourrait servir de point de ralliement à une nouvelle majorité de concentra-