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on aime passionnément, je veux dire : aimons-la d’un amour constamment attentif, ombrageux et jaloux. Aimons-la pour elle, et parce qu’elle est elle ! Aimons-la pour tout ce que nous lui devons dans le présent comme dans le passé ! Aimons-la pour tout ce que sa prospérité, sa grandeur et sa gloire ajoutent, en quelque manière, à nos raisons de vivre. Nous vivons de sa vie autant que de la nôtre ; tout ce qui l’atteint nous touche ; et on en connaît qui sont morts de ses malheurs ou de sa diminution. Mais prenons garde pourtant qu’elle n’est pas tout, même en ce monde, et bien moins encore au regard de l’éternité. S’il nous la faut défendre contre les attaques de l’ « internationalisme, » rendons-nous compte que l’ « internationalisme, » si nous savons l’entendre, a, lui aussi, sa raison d’être ! Il y a des choses qui ne sauraient acquérir tout leur développement et toute leur signification qu’en devenant « internationales. » Une politique, une littérature, un art peuvent être « nationalistes » on « nationaux. » Peut-être même doivent-ils l’être ! Mais ni la science, ni la morale, ni la religion ne le doivent, et ne le pourraient quand elles le voudraient. Il y a un art allemand et une littérature anglaise ; il ne saurait y avoir de science « russe, » de morale « américaine, » ou de catholicisme « français. » En admettant même que l’on se servît un peu abusivement de ces noms pour désigner des particularités locales ou des singularités de forme, qui n’atteignent pas le fond des choses, l’objet de la religion, de la morale et de la science n’en serait pas moins toujours de les « universaliser. » Si elles le perdaient de vue, c’est elles qui cesseraient d’être la science, la morale et la religion. et je vois bien ce qu’il en coûterait à la religion, à la morale et à la science, niais, en vérité, je serais curieux de savoir ce que le « nationalisme » y gagnerait.

Ai-je besoin, après cela, de montrer que l’enseignement du catholicisme n’a rien, dans son universalité, qui ne se puisse concilier avec le nationalisme le plus exigeant ? Si, dans le cours de l’histoire, l’organisation politique du catholicisme a été parfois trop exclusivement italienne, — et, disons-le respectueusement, mais sans détour, si peut-être elle l’est encore ; — il n’y a rien là qui tienne à l’essence du catholicisme, et pas un iota ne serait changé à la doctrine, si, comme on l’a demandé plus d’une fois, les nations ou fractions de nations catholiques étaient représentées, dans le Sacré-Collège et dans la curie romaine, au