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gouvernement qui le protégeait contre Louis XVI, toujours vivant dans ses frères. Après l’alliance franco-russe de 1807, il prôna l’idée d’une union de famille avec les Romanof, par crainte de voir arriver en France une princesse saxonne ou autrichienne, parente des Bourbons. Il lança des allusions à ce sujet dans les journaux à sa dévotion, présenta à l’Empereur un mémoire soi-disant confidentiel, poussa l’audace jusqu’à demander à Joséphine de provoquer elle-même le divorce. Il fut de ce fait sévèrement admonesté par Napoléon, qui entendait n’agir que de son plein gré et à son heure, mais il resta impuni, car on le conservait pour préparer habilement l’opinion le moment venu.

Sans plus attendre, dès la fin de 1808, Fouché noua une nouvelle intrigue. Il s’agissait pour lui de faire déclarer héritier de l’Empire le roi de Naples Mural, populaire dans l’armée et alors mécontent de n’avoir pas été appelé au trône d’Espagne. Afin de lui créer un parti, il se rapprocha de son ennemi intime, Talleyrand. Les deux compères réconciliés se montrèrent ensemble en public, parlant à l’envi de la nécessité de pacifier l’Europe et de consolider la dynastie. Averti par ses polices particulières, Napoléon quitta subitement l’Espagne le 18 janvier 1809 ; le 22, il montait, exaspéré et fulminant, l’escalier des Tuileries. A sa réception du lendemain, il accablait Talleyrand des plus violens reproches et le destituait de ses fonctions de grand chambellan. Quanta Fouché, s’il fut gourmande, ce fut sans éclat ; mais sa situation était ébranlée, il ne s’y trompait pas et parait d’avance les coups suspendus sur sa tête, témoin l’entretien avec le général de Ségur qu’il provoqua dans la forêt de Fontainebleau, et où il prétendait, le bon apôtre, avoir décidé à deux reprises la ruine des jacobins, en l’an II, lorsqu’il avait fait tomber leur tribun, Robespierre, en l’an VII, lorsqu’il avait réduit à l’inaction leur général, Bernadotte.

L’apologie ne manque pas de saveur dans sa bouche, précédant de quelques semaines l’intrigue, ourdie avec le même Bernadotte, en vue de saisir le gouvernement, au cas d’un interrègne possible. Pendant que Napoléon assurait à Vienne les résultats de la victoire de Wagram, les Anglais avaient envahi la Zélande, menaçaient Anvers et la Belgique. Comment, de Paris, improviser et diriger la défense ? Fouché qui, à ce moment, cumulait les fonctions de ministre de l’Intérieur et de ministre de la Police, prit en fait, au lieu de l’indolent Cambacérès, figure