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beaucoup plus que la race anglo-saxonne dans le Nouveau Monde. Examinez le caractère de cette dernière. Elle n’est pas humanitaire ; son caractère, ses tendances sont éminemment particularistes et locales. L’Anglo-Saxon ne travaille pas pour une idée ; il travaille pour le commerce. L’Anglo-Saxon, enfermé dans son propre individualisme, n’a ni pour les peuples, ni pour l’humanité, cette très vive sympathie qui caractérise la race latine. Ses victoires n’intéressent que lui, de même que ses défaites. En quelque endroit qu’il se présente, au lieu de chercher un peuple à éduquer ou une race à relever, il ne cherche qu’un grand marché pour y exercer son commerce.


Puis, après des développemens que nous ne pouvons reproduira, le jeune Castelar terminait son article par celle apostrophe un peu exubérante à l’adresse de l’Amérique latine :


L’Amérique, si belle, terre où la nature a épuisé son pouvoir, temple que le créateur a orné de toutes les grandes merveilles, pour y loger une grande idée ; l’Amérique comprendra ce qu’elle doit à la nation espagnole, et elle contribuera à faire que les fils d’une même et belle mère, appelés dans l’un et l’autre continent à une même destinée, unissent leurs intelligences et leurs cœurs pour concourir ainsi à l’accomplissement du plan de la Providence, à la civilisation de la race humaine.


Si de tels sentimens pouvaient déjà se manifester, du côté des Espagnols, en 1858, on comprend qu’ils se soient accentués, et même qu’ils aient été partagés par les Américains, à mesure que s’effaçait le souvenir des luttes passées, et que les rapports politiques se renouaient et se fortifiaient. C’est ce qui explique que, même avant le Congrès hispano-américain de 1900, quelque chose eût déjà été tenté en vue d’un rapprochement. Sans parler de plusieurs traités, dont l’un, celui de 1888 entre l’Espagne et 1 Equateur, avait établi le principe de l’arbitrage, divers Congrès s’étaient tenus entre Espagnols d’Europe et d’Amérique, en particulier les Congrès juridique, géographique et pédagogique de 1892.

D’un autre côté, en même temps que se manifestaient ces tendances à un rapprochement entre l’Espagne et l’Amérique latine, ou constatait les symptômes d’un mouvement analogue entre les différentes Républiques hispano-américaines du Nouveau Monde, bien qu’on eût pu croire qu’elles étaient, de longue date, habituées à se considérer en ennemies plutôt qu’en amies. Dans cet ordre d’idées, il faut rappeler un événement intéressant et original, dû à l’initiative de Léon XIII : il s’agit du Concile des archevêques et évêques de l’Amérique latine, qui s’est réuni