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Bluntschli écrit : « Bien que la conquête d’un territoire ait lieu en général à la suite d’actes de violence et de guerre, elle peut cependant avoir pour conséquence l’acquisition de la souveraineté du territoire conquis. Elle est un mode légitime d’acquérir un territoire lorsqu’un traité, ou, à défaut, la reconnaissance par la population des changement survenus, a démontré la nécessité du nouvel ordre de choses[1]. »

Sur ce que dit Heffter, notons que les Boers, n’ayant jamais déposé les armes, n’ont pas besoin de les reprendre ; et, sur ce que dit Bluntschli, que la résistance, n’ayant pas cessé un seul jour, est loin d’être finie. Il s’en faut également que le gouvernement temporaire des Anglais soit reconnu par les autorités boers : toutes ces autorités, au contraire, sont unanimes à continuer de combattre ce pouvoir « transitoire et usurpé. » On sait, par exemple, que le commandant général des Boers, Louis Botha, dans sa lettre du 15 mars 1901 à lord Kitchener, lors des négociations concernant les conditions susceptibles de mettre fin aux hostilités dont le général en chef anglais avait pris l’initiative, refusait d’accepter le nouvel ordre de choses, et, dans sa circulaire aux citoyens sous les armes, concluait : « Cette guerre nous a coûté déjà beaucoup de sang et de larmes, mais l’abandon de notre patrie nous coûterait encore beaucoup plus[2]. » On sait, en outre, que le président Kruger, le président Steijn, et les membres du Wolksraad, ainsi que les délégués des Républiques en Europe, MM. Fisher, Wolmarens et Wessels, ou les représentans diplomatiques des deux États, le docteur Leyds, envoyé extraordinaire de la République Sud-Africaine et le docteur Müller, consul général de l’État libre d’Orange, tout en ne cessant de demander l’arbitrage, protestent que, si l’Angleterre ne veut pas leur laisser l’indépendance, ils continueront de lutter jusqu’à la mort. Les généraux Louis Botha et Christian de Wet en disent autant, de leur côté, et certes l’on ne peut douter qu’ils ne soient gens à tenir parole.

Holtzendorff, à son tour, ajoute : « Les succès militaires sur le champ de bataille ne décident pas encore de la chute de l’État le plus faible. Pour démontrer la fin de la souveraineté vaincue,

  1. Bluntschli, Das moderne Völkerrecht der civilisirten Staten, 1868, § 289. Traduction française de M. Lardy, Le Droit international codifié, 1886, p. 182, 183.
  2. Further papers relating to negotiations between Commandant Louis Botha and lord Kitchener ; presented to both Houses of Parliament by command of His Majesty, juillet 1901, p. 3.