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d’existence des organismes vivans sont profondément modifiées par un milieu ambiant très différent.

Nous avons en effet remarqué qu’à égalité de richesse en élémens nutritifs, les terres des régions méridionales, et principalement des régions tropicales, sont plus fertiles que les terres situées dans des régions tempérées. On ne peut donc pas appliquer le même coefficient de fertilité à des terres de même composition, prises dans des situations de climat différentes. Ainsi, à Ceylan, dans le Cambodge, à Java, à Sumatra, etc., et même dans le Midi de la France, on voit des terres pauvres porter d’abondantes récoltes. A Madagascar, ce fait se constate aussi. Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’une terre faiblement pourvue d’élémens nutritifs ne peut être que d’une fertilité de courte durée, à moins qu’il n’y ait une restitution suffisante des principes exportés. Les récoltes, en effet, épuisent le sol d’autant plus vite que les réserves qu’il contient sont plus faibles.

Nous devons donc faire entrer, en une juste mesure, dans l’évaluation de l’avenir agricole d’un pays, les réserves de fertilité que contient le sol. A côté de l’analyse chimique, doit se placer l’observation de la végétation, dont l’intensité est en rapport avec la richesse du sol ; mais cette observation induit quelquefois en erreur. Il peut se faire, en effet, qu’au début d’une mise en exploitation, une terre faiblement pourvue d’élémens fertilisans porte une belle récolte ; mais plusieurs récoltes successives l’épuiseront rapidement.

Il se peut aussi que des plantes sans valeur alimentaire y prennent un certain développement. Mais les espèces susceptibles de donner des grains pour la nourriture de l’homme et des herbes savoureuses pour celle des animaux sont absentes des terrains qui n’ont pas une bonne réserve de principes fertilisans. Enfin, on trouve une végétation luxuriante dans des endroits particulièrement privilégiés sous le rapport de l’humidité, sans qu’il faille en conclure à un fonds réel de fertilité dans la région avoisinante.

Pour apprécier ce que nous sommes convenus d’appeler la fertilité d’un terrain, on voit que l’examen superficiel de la végétation ne suffit pas et que l’analyse chimique s’impose. La composition et la nature des terres sont dans une relation étroite avec les roches dont elles proviennent : il est donc important, au point de vue agricole, de connaître l’origine géologique des sols.