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à une confusion publique. Ce serait un défaut dans une religieuse. Il faudra mourir à cette délicatesse, mais, avant que d’y mourir, il faut y avoir vécu. » Comme cela est d’une psychologie sagace de reconnaître ainsi l’appui que l’honneur prête à la faiblesse humaine, et n’y a-t-il pas d’autres sentimens dont on peut dire avec une égale vérité qu’ « avant que d’y mourir, il faut y avoir vécu ? »

Mais où Mme de Maintenon est surtout intéressante à étudier, c’est dans son rôle de directeur spirituel. C’est à dessein et sans raillerie que je me sers de ce masculin, car elle était bien directeur, tout comme était bien gouverneur du prince cette Mme de Genlis, dont une agréable publication vient de faire revivre l’originale figure[1]. L’évêque de Chartres, supérieur spirituel de Saint-Cyr, lui reconnaissait cette qualité. Toute une série de questions que Mme de Maintenon lui adressait, avec les réponses de l’évêque, a été publiée par Lavallée. Ces questions sont bien celles dont un directeur encore novice pourrait demander la solution à un confrère plus expérimenté et quand — ce qui était parfois le cas — Mme de Maintenon ne se trouve pas d’accord avec le confesseur ordinaire de Saint-Cyr, c’est toujours à elle que l’évêque donne raison. Il s’en fallait, cependant, qu’elle tendit à empiéter sur les pouvoirs du confesseur en titre. « Je ne suis pas, écrivait-elle, un directeur bien hardi, » et, en effet, elle conseille volontiers de s’en rapporter à lui sur les questions importantes, entre autres sur celle des communions dont la fréquence, on le sait, avait été un des points le plus disputés dans l’Eglise, le livre de la Fréquente communion, d’Arnauld, ayant été le point de départ de la querelle janséniste. Mais elle ne se dérobe point lorsqu’il s’agit de donner des directions générales, d’entrer dans les difficultés, de compatir aux peines. Elle y déploie cette charité morale qui est bien au-dessus de la charité matérielle, car il y faut le don de quelque chose de soi, et, suivant le précepte de saint Paul, elle se fait toute à tous, ne correspondant point seulement avec les dignitaires de Saint-Cyr qu’elle avait chargées de diriger la maison, mais répondant à toutes les religieuses qui lui écrivaient pour lui ouvrir leur âme, aux novices qui lui faisaient part de leurs hésitations, aux demoiselles qui la consultaient sur leur vocation, et jusqu’à une

  1. Gouverneur de prince. La comtesse de Genlis, par M. Chabreul,