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cas, lorsque tu fis hier à cette belle servante une cour si pressante et si chaude. Tu le vois, je sais tout. Il est vrai que tu me croyais morte, et qu’il en est bien à peu près ainsi. Mais, comme je connais ton faible, je me suis amusée à t’approcher revêtue d’un déguisement sous lequel j’étais assurée que tu me courtiserais de nouveau. Sois sans crainte d’ailleurs : je ne t’en veux pas le moins du monde pour les baisers de feu que tu m’as donnés. Seulement, tandis que tu vidais sans relâche la coupe de vin empourpré... je savais que, le lendemain, tu aurais la tête lourde, et que tu dormirais toute la sainte matinée.


L’époux, encouragé par une indulgence si gaillarde, ne manque pas de former les meilleurs propos de persévérance en cette agréable voie :


Me voilà maintenant frais et dispos, dis-moi donc bien vite, charmante Hébé, quand nous nous retrouverons ensemble ? — Penses-tu, riposte Clara, que j’irais porter une seconde fois le même masque joyeux ? Fi ! cela serait terriblement ennuyeux et sot. Tout ce que je puis te dire, c’est que tu me reverras sous un nouveau déguisement taquin : peut-être un peu moins coquette cependant. Tu me courtiseras de nouveau avec la flamme d’autrefois, et tu triompheras, car je ne me serai rapprochée de loi qu’afin de me laisser reconquérir. — Mais, reprend Oswald sous l’empire d’un dernier scrupule, n’y aurait-il pas, chère Clara, un signe de reconnaissance entre nous, un mot d’ordre que tu pourrais me confier dès à présent ? — Ah ! que non, Oswald ; sinon peut-être cette maxime : Ce qui peut t’être offert désormais en amour, prends-le en compensation de celle qui est partie.


C’est une élégie conjugale qui finit comme une chanson du Caveau. Voilà donc Wagner définitivement échoué sur les écueils éternels du mysticisme, la sensualité caressée avec complaisance, sous prétexte de sentiment, et le désordre encouragé par la prétendue piété du souvenir. Car le libertinage se couvre ici d’un masque hypocrite, lorsqu’il emprunte les traits bénis de la fidélité et de la constance pour donner le change au lecteur sur son véritable visage. Efforçons-nous donc de ne voir en ces pages choquantes que des fantaisies sans portée réelle, où se révélerait seulement plus encore qu’ailleurs cette fatigue évidente de l’inspiration créatrice que nous avons signalée déjà chez l’auteur des Nouveaux Poèmes.


IV

Les lignes que nous venons de reproduire suffiront à démontrer combien Christian Wagner est en somme mal à l’aise