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de poète, dira-t-on, que cette déification, prononcée de sa propre autorité par le fondateur de la religion nouvelle. Il serait pédant de la prendre au sérieux ! Indice à tout le moins, répondrons-nous, des consolations qu’a trouvées parfois le laboureur dédaigné de ses proches dans le sentiment de sa valeur et dans l’assurance de sa mission. Et ne peut-il se croire en effet sur le chemin qui mène à la réalisation de son rêve ? Un gros volume rédigé par un critique en vue porte son nom sur sa robe verte de cartonnage, et lui offrait récemment une analyse subtile et passionnée de ses moindres inspirations ; tandis qu’un compatriote de Clara-Elisabeth, sa conquête future sur le sol des Burgondes, se voit séduire avant elle, et s’efforce de faire connaître autour de lui des chants originaux et suggestifs jusqu’en leurs aberrations momentanées.

Ce sont là des résultats tangibles et actuels. Que leur souvenir permette au poète d’attendre sans impatience une immortalité qu’il ne laisse pas de rêver pour lui-même sous une forme plus personnelle et plus flatteuse que la migration anonyme des atomes vulgaires ! Mais, après son dernier aveu d’ambition éthérée, que le restaurateur des antiques doctrines de l’Inde aryenne ne s’étonne pas trop si, dépassant les vagues rêveries de ses maîtres, et écoutant les fermes promesses de la religion chrétienne plus volontiers que les molles cantilènes de la Foi nouvelle, les simples de cœur revêtent leur espoir en une vie future de couleurs moins fantaisistes certes que l’éclat des diamans nocturnes de la voûte céleste, et tout à la fois plus modestes, plus humaines et plus consolantes.


ERNEST SEILLIERE.