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événemens et les idées suivant l’ampleur des images oratoires qu’il en tire, avait pu être accessible à certaines conceptions mondiales ou humanitaires, l’implacable réaliste qu’était M. de Bismarck avait bien vite ramené les choses à la mesure des intérêts présens de son pays. Mais plus étroite était cette mesure et plus immédiats ces intérêts, moins les puissances étaient prêtes à rendre la main à la politique allemande et à quitter le terrain des purs principes libéraux. Déjà, à propos des mines insalubres, le premier délégué anglais, sir John Gorst, avait catégoriquement déclaré que son pays, satisfait de sa législation de 1887, ne pourrait donner son assentiment à une limitation du travail des adultes masculins. Ce fut mieux encore lorsque l’on aborda, — trois jours après la démission de M. de Bismarck, — la fameuse question de la continuité de la production minière.

En l’exposant à la commission, M. Hauchecorne tenta d’y intéresser, non sans raison, jusqu’aux puissances non productrices de charbon ; il ne cacha pas que, là plus que partout ailleurs peut-être, une entente internationale, serait indispensable pour atteindre le but. Mais, en même temps, sentant la répugnance invincible de la grande majorité de ses collègues à accueillir les vœux de son gouvernement, il indiqua très habilement qu’à défaut de moyens propres à empêcher radicalement la naissance de conflits arrêtant l’extraction, la Conférence pourrait examiner utilement les divers procédés mis en œuvre pour atténuer, amortir ou apaiser le désastreux effet des grèves. Et chacun se précipita à l’envi dans ce sentier latéral, pour éviter de s’attaquer de front à ce redoutable problème.

L’Angleterre, d’abord, se complut dans un tableau minutieux et enchanteur des résultats obtenus dans ses mines du Nord par le fonctionnement compliqué de l’échelle mobile, lequel fait dépendre le taux des salaires des prix moyens de vente constatés par des experts jurés. La France montra ses patrons surtout attachés à procurer la stabilité des salaires, même en temps de crise, ce qui est à peu près l’opposé du système précédent, puisque cela suppose la constitution de réserves importantes prélevées sur les bénéfices acquis. L’Autriche préconisa la multiplicité des « institutions humanitaires, » maisons ouvrières, primes d’ancienneté, caisses de secours, etc., destinées à attacher le mineur à la mine, et eut le courage d’affirmer que, lorsque, malgré tout, l’on en vient à manquer de charbon national, il faut s’en procurer