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LE TRAVAIL
LE NOMBRE ET L’ÉTAT

III[1]
LES LOIS

D’après les faits et d’après les idées, il est possible de pressentir ce que va être l’œuvre des lois. D’abord, lois de destruction, ensuite de reconstruction. Dans les lois, comme dans les faits et comme dans les idées, on s’attache d’abord à démolir l’ordre ancien de la société, puis lentement, peu à peu, et de plus en plus, on s’efforce à fonder sur les lois l’ordre nouveau conçu dans les idées et déterminé, ou commandé, ou conditionné par les faits. De même que le Travail a changé, qu’à l’atelier de famille s’est substituée la fabrique et à la fabrique l’usine ; de même que le Nombre a changé, qu’il s’est concentré, qu’il a pris conscience de lui-même, qu’il a perdu le sens de l’éternité et que s’est aiguisé en lui le sens de l’inégalité ; de même, enfin, que l’Etat a changé, reposant à présent sur le suffrage universel, et de bas en haut ou de long en large comme traversé par lui, comme actionné par lui ; ainsi, la conséquence étant en quelque sorte forcée, la loi elle-même change. Elle change de nature : c’était jadis un instrument de conservation ; c’est maintenant un instrument de transformation, d’abord de déformation, si l’on

  1. Voyez la Revue des 15 mars et 1er août.