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vite fait de construire celles qui pourraient devenir nécessaires. Ses ingénieurs et ses agens sont répandus dans tout le pays ; ils en ont déjà reconnu les richesses : ici des bois, là de la houille, plus loin, de l’or, de l’argent, du cuivre. Ne voulant pas exploiter tout seuls ces richesses, ils ont eu l’adresse d’y intéresser les Chinois. Quel avantage ceux-ci auraient-ils à faire appel à d’autres Européens sûrement plus âpres au gain, moins respectueux de leurs lenteurs et de leurs traditions. Cela est si vrai que, à la fin de décembre, le gouverneur général chinois de Guirine est venu faire des démarches pour obtenir des Russes la construction d’un embranchement de 125 kilomètres reliant sa capitale à la grande ligne. Les Russes tiennent certainement beaucoup à une voie ferrée qui drainera les produits de la plus riche province mandchoue, mais ils ont l’air de se faire prier, et nul doute qu’ils ne laissent aux Chinois, en Rn de compte, une part dans le bénéfice certain de cette entreprise.

Grâce à son inexpugnable position de premier occupant, grâce à la souplesse de sa diplomatie, la Russie ne semble donc rien avoir à craindre en Manchourie tant que durera la paix. En revanche, en cas de troubles locaux, nous avons dit quels seraient ses risques. En cas de conflagration générale, ayant pour résultat, par exemple, l’établissement des Japonais en Corée, il semble que sa situation économique et même militaire serait atteinte dans ces parages. Mais la Russie a tant d’intérêt au maintien de la paix ; l’Angleterre a subi une si forte saignée en Afrique ; le présomptueux Japon se verra si prudemment conseillé par sa nouvelle alliée que nous pouvons espérer voir la paix régner longtemps encore sur cette rive du Pacifique.

Une question qui se pose fréquemment en Extrême-Orient est celle-ci : quelle est l’utilité et quel sera l’avenir du colossal Transsibérien qui établit une communication par rails entre Gibraltar et Port-Arthur ?

L’intérêt du Transsibérien comme voie de transit est évident, mais il semble avoir été beaucoup exagéré. Sans doute, le transport des troupes russes pourra s’y effectuer plus rapidement et à moins de frais que par mer ; mais la petite mobilisation esquissée en 1900 en Sibérie a eu de si pileux résultats, a causé de tels troubles dans la circulation, de telles souffrances aux troupes et aux populations, l’alimentation de quelques corps de troupe dans des contrées à lents échanges ou même à demi désertes a été si