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documens, à la longueur d’un jet d’arbalète du bord de la falaise, la tour d’Ordre était une sorte de pyramide octogone à douze étages dont chacun était en retrait d’un pied et demi sur l’étage inférieur. Chaque face du premier étage avait 24 pieds, ce qui donne 192 pieds de circuit et environ 64 pieds de diamètre. On assure que la hauteur égalait à peu près la circonférence, soit en nombre rond 200 pieds, ce qui semble, à vrai dire, une bien grande hauteur pour un phare déjà situé sur une falaise haute d’environ 100 pieds au-dessus de la mer. Quoi qu’il en soit, chaque étage avait sur le midi une ouverture en façon de grande porte ; et à l’intérieur on voyait encore, au commencement du XVIIe siècle, trois chambres voûtées et superposées l’une sur l’autre avec un escalier pour les relier, ces trois étages destinés sans doute à l’habitation des gardiens... »

On sait en outre que chaque étage était composé de plusieurs lits alternés de pierres grises, de briques rouges et de ces pierres jaunes qui abondent encore dans les falaises de la côte de Boulogne, le tout relié par un ciment très dur composé de chaux, de sable de mer, de petit gravier, de coquilles et de carreaux rouges broyés. C’était à la fois élégant et solide, et on ne saurait trop regretter qu’il n’en reste plus la moindre ruine. Des fouilles intelligentes permettraient peut-être de retrouver quelques débris de la substructure et de reconstituer la base de l’édifice ; mais on ne voit plus aujourd’hui qu’une partie des avant-corps ruinés du bastion anglais qui surplombent sur la crête même de la falaise d’une manière inquiétante et qui peuvent s’écrouler au premier jour.


VI

Il ressort très clairement de tout ce qui précède qu’il existait, à l’origine de notre ère, un grand établissement maritime à l’embouchure de la Liane ; que cet établissement était le premier d’une réelle importance que l’on rencontrait sur la côte gauloise en descendant le Rhin et en se dirigeant vers la Seine, et qu’il a porté successivement les quatre noms suivans : Gesoriacum ou Portus Gesoriacensis, Portus Itius, Portas Britannicus Morinorum et Bononia Oceanensis.

Il nous paraît même assez évident que, si ces désignations s’appliquaient à la même station maritime, elles semblent indiquer