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aux phénomènes chimiques ordinaires, car ceux-ci laissent latome intact et invariable ; c’est un fait d’une nature inconnue. Quelle que soit la force qui détache le sous-atome, c’est elle qui est la source de l’énergie rayonnée.

En résumé, l’ancien atome insécable est donc, aux yeux des physiciens spéculatifs d’aujourd’hui, un tout gigantesque, une sorte de système dans lequel des sous-divisions de l’atome forment des masses animées de mouvemens relatifs. L’illustre mathématicien Cauchy avait, par avance, tracé la voie où la physique moléculaire devait s’engager soixante ans plus tard : « S’il nous était permis, écrivait-il en 1836, d’apercevoir les molécules des différens corps, elles représenteraient à nos regards des espèces de constellations ; et, en passant de l’infiniment grand à l’infiniment petit, nous retrouverions dans les dernières particules de la matière, comme dans l’immensité des cieux, des centres d’action placés en présence les uns des autres. »

Il n’y a qu’un mot à changer, — il n’y a qu’à remplacer le mot de molécule par celui d’atome, — pour passer de la conception de Cauchy à celle de J.-J. Thompson et des physiciens du jour. Ce n’est plus la molécule, agrégat d’atomes, que l’on peut comparer à un système solaire, c’est l’atome lui-même. « Chaque atome, dit M. J. Perrin, serait constitué, d’une part, d’une ou plusieurs masses très fortement chargées d’électricité positive, sorte de soleils positifs ; et, d’autre part, d’une multitude de corpuscules, sortes de petites planètes négatives, gravitant sous l’action des forces électriques. » La charge négative totale équivaut exactement à la charge positive totale, en sorte que l’atome est électriquement neutre. L’étude des rayons cathodiques a montré que tous les sous-atomes négatifs sont identiques entre eux. Si donc il y a vraiment unité de la matière, les soleils positifs aussi seraient identiques entre eux. Et, alors, « la totalité de l’univers matériel serait formée par le groupement de deux espèces seulement d’élémens primordiaux, les électrons, c’est-à-dire l’électricité positive et l’électricité négative. »

Cette conception pan-électrique de la matière et des phénomènes de l’univers rend compte d’une multitude de faits qui, sans cela, restent inexplicables. Elle rend compte aussi de l’insécabilité apparente de l’atome, telle qu’elle semble résulter des lois fondamentales de la chimie. Nous disons que cette propriété de l’atome d’être insécable, n’est qu’apparente ; elle est seulement