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bronze de leur peau nue, jusqu’aux presque grandes, qui portaient un voile de blanche mousseline des Indes sur leurs bandeaux à la Vierge et dont l’expression avait déjà ce quelque chose d’anxieux et de grave qui vient dans le regard des jeunes filles à l’âge où leur corps commence de se garder comme un sanctuaire... On me montra des compositions de style et des compositions d’histoire. On me montra aussi des dessins que les petites déesses avaient très gentiment faits, d’après des modèles venus d’Europe et pareils à ceux que nos enfans copient ; et elles les avaient signés, de leurs noms en plusieurs syllabes, de leurs noms mélodieux comme des phrases chantées.

Une petite de six ou sept ans avait copié avec soin un aigle, au plumage très compliqué, les pattes sur une branche. Mais, comme sans doute elle avait commencé par le milieu sans bien prendre ses mesures, pour mettre la tête son papier ne s’était plus trouvé assez haut ; alors elle l’avait dessinée quand même, cette tête, mais tout aplatie, tout en largeur, jusqu’au ras du bord, sans pour cela omettre une plume ni un détail, — et bravement elle avait signé, de son beau nom d’Apsàra.

Des velours brodés d’or, des voiles diaphanes comme des brumes ; des diamans, des rubis, des émaux translucides, des émeraudes ; des bracelets souvent trop larges et retenus par des fils aux petits bras encore maigres ; des colliers d’introuvables vieilles pièces d’or portugaises, datant de la splendeur de Goa et ayant dormi des siècles dans les coffres de santal

Il y a eu des chants aussi pour finir, des ensembles de violons et puis des danses. Des danses compliquées et lentes, un peu religieuses ; des pas rythmés, des entre-croisemens de bras faisant scintiller les pierreries...

Et elles étaient jolies toutes, ces lycéennes que d’ordinaire on ne voit pas, fines et jolies, avec des yeux comme il ne s’en trouve qu’aux Indes. Oh ! la transcendante et chaste impression de beauté, que m’ont donnée là ces petites fleurs de mystère ! ..,


VIII

Samedi 30 décembre. — Je quitterai demain matin le Travancore, où j’ai été comblé de faveurs bien plus que je ne le méritais, pour m’être acquitté de l’agréable mission d’offrir une croix au Prince. Je m’en irai dans une des grandes barques