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d’exploitation, des villages entiers occupent le domaine de l’Océan refoulé[1].


III

Les trois ports de la région littorale des wateringues sont Calais, Gravelines et Dunkerque. Le premier et le dernier, en pleine prospérité, ont été depuis quelques années complètement transformés. Gravelines, au contraire, malheureusement placé à égale distance et assez près des deux autres — 10 kilomètres à peine de chaque côté — n’a pu supporter ce redoutable voisinage, et, après avoir eu une situation prépondérante, est tombé dans un état de déclin et d’abandon très regrettable. Aucun des trois d’ailleurs ne paraît avoir eu la moindre importance à l’origine de notre ère, ni même à l’époque romaine. A 8 kilomètres environ à l’Ouest de Dunkerque, le petit bourg de Mardick, à peu près désert aujourd’hui, était probablement alors la principale station navale des galères de l’époque qui pouvaient remonter jusqu’à Sithiu, devenu Saint-Omer, et paraît avoir conservé cette suprématie jusque vers le Ve siècle[2]. Quelques géographes ont même soutenu avec une certaine témérité que Mardick avait été le Portus Itius de César et de Strabon. Nous avons vu précédemment que le grand port de l’empire sur la Manche était certainement Boulogne-sur-Mer, Gesoriacum, à l’embouchure de la Liane. Tout au plus Mardick pouvait-il être le havre d’entrée du Sinus Itius dans la partie de la grande lagune de l’Aa la plus voisine de la mer, où flottait, à peine émergé au-dessus du niveau des basses eaux, l’archipel des Morins.

Quant à Calais, situé à l’extrémité de l’estuaire occidental du delta de l’Aa et dont le port moderne est resté le débouché régulièrement aménagé des wateringues du pays, il n’apparaît dans l’histoire que vers le VIIe ou le VIIIe siècle. La ville est double : au Nord, sur la mer, Calais proprement dit, dont les vieilles et hautes maisons et les bassins étaient enserrés hier encore par un épais collier de murailles, précédées d’une double ceinture de fossés, dentelées et étoilées suivant le système de Vauban ; au Sud, le grand faubourg de Saint-Pierre, prolongeant sans cesse

  1. Durand, Les grands travaux du port de Dunkerque et leurs rapports avec le desséchement du pays, 1864.
  2. Raymond de Bertrand, Histoire de Mardick, 1852.