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ses longues et larges rues rectilignes, ses maisons uniformes, ses usines et ses fabriques sur un terrain horizontal et illimité et présentant toute la banalité des villes industrielles du Nord. C’est Calais-Sud qui, malgré son aspect tout moderne, a cependant précédé la vieille ville du port, qui portait autrefois le nom de « Pétresse » aujourd’hui Saint-Pierre, et fut complètement brûlé par les Normands à la fin du IXe siècle.

Calais était, vers l’an 900, une annexe du comté de Boulogne ; et c’est de cette époque que datent les premières murailles de son enceinte, la construction du fort Nieulay et, selon toute probabilité, le creusement du bassin du Petit-Paradis qui paraît avoir été l’embryon du port. Calais, dont la rade foraine est assez bien protégée par les bancs sous-marins de Riden, est le port du continent le plus rapproché de la Grande-Bretagne ; et ce voisinage devait naturellement éveiller l’attention jalouse de nos voisins. Au XIIIe siècle, le petit port de Wissant, qui avait joui jusque-là d’une certaine importance, était complètement comblé par les sables, et celui de Boulogne, dans un état de dégradation lamentable, presque abandonné. Calais devait naturellement être considéré comme le port de transit presque exclusif entre l’Angleterre et la France. Ce fut de là que le dauphin Louis, fils de Philippe-Auguste, partit avec une flotte de 80 bâtimens de guerre et de 600 transports, appelé par les barons anglais mécontens de leur roi Jean sans Terre. On sait que, malgré le succès de son expédition, les chimériques espérances qu’avait pu concevoir le jeune prince furent complètement déçues. Le trône du roi dépossédé fut tout simplement conservé à son fils, elle résultat de cette campagne un peu naïve fut d’entretenir chez nos voisins le désir d’une revanche. Elle devait malheureusement se réaliser un siècle plus tard. Alors que Calais était en pleine prospérité, le roi Edouard III, encouragé par notre désastre de Crécy, vint en faire le blocus. L’histoire a conservé le souvenir des dramatiques incidens de ce siège, qui dura près d’une année, de la résistance héroïque de ses habitans, de leurs souffrances et de la basse vengeance du vainqueur tenant à humilier par des procédés barbares les malheureux que la mauvaise fortune mettait à sa discrétion.

Calais resta plus de deux siècles entre les mains des Anglais. Ce fut en quelque sorte leur tête de pont sur le continent. La ville, ruinée par le siège de 1347, dut être reconstruite presque