Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire que j’ai de l’argent tant que j’en veux :... Il faut que je vous félicite, la vôtre est à la mode, actuellement on ne voit d’autres montres que des grands placards d’argent, il est vrai d’ajouter qu’elles marquent non seulement les heures, les minutes et les secondes, mais aussi le jour et le quantième du mois. »

La belle saison procure au jeune écolier des distractions nouvelles ;


« 19 juin. — Nous venons d’avoir, le 12, notre congé du lundi de la Trinité. Ce jour-là, le roy, la reyne et les grands seigneurs quittent leurs résidences pour les abandonner aux écoliers qui sont en vacances et qu’on laisse maîtres partout. Toutes les portes leur sont ouvertes et les cascades de Versailles, de Sceaux, de Saint-Cloud marchent en leur honneur.

« Vous pensez si je tins à profiter de l’occasion ! Je fus à Versailles, à pied, avec quatre camarades, et je vis la reyne, à trois pas de distance, qui montait dans son carrosse pour nous laisser le château bien libre ; elle est terriblement grosse et ne peut tarder à accoucher[1]. Je vis aussi Madame[2], ainsi que Madame la Comtesse d’Artois, etc. Quant aux beautés du palais, on ne peut rien voir de semblable dans le monde, je renonce donc à vous en faire la description, les expressions me manqueraient :... Nous revînmes le soir, enchantés de notre journée, mais bien fatigués.

« Nous avons célébré la Fête-Dieu en grandes pompes. L’évêque du Puy vint officier au collège et le prédicateur du roy nous fit un sermon. Représentez-vous le coup d’œil : 60 encensoirs, 60 fleuristes, 100 chapes, 40 prêtres, la musique des gardes françaises composée de 30 exécutans, et chacun de nous portant un cierge :...

« A propos de la fête, j’ai une grande et même très grande nouvelle à vous apprendre : on choisit, à Paris, ce jour-là pour lever un ballon dans lequel étaient montés son constructeur avec un aide. Quand les deux hommes se trouvèrent à une grande hauteur, ils furent salués par des coups de canon et les applaudissemens de la foule. C’était superbe ! Ce n’est plus défendu apparemment, car ils vont recommencer bientôt, croit-on. Ne

  1. Un mois plus tard. Marie-Antoinette donnait le jour à une fille : Sophie-Hélène-Béatrix, qui mourut le 9 juin de l’année suivante.
  2. « Madame, » titre de Mme la Comtesse de Provence, femme du futur Louis XVIII.