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la Reyne tenait à ce que son fils eût un évêque pour précepteur, tandis que le duc voulait un simple ecclésiastique qu’il pût renvoyer en cas de mécontentement.

« Mme de Lamotte est sortie de la Salpêtrière d’où, paraît-il, on la fait évader ; on prétend aussi qu’elle a été rejoindre son mari en Angleterre et que tous deux y ont été empoisonnés. »

Celle année-là Jean d’Etchegoyen ne passa pas ses vacances au collège : MM. d’Arjuzon, père et fils, appréciaient fort ce gai et gentil compagnon, si poli, si réservé, dont la bonne humeur était à toute épreuve, et qui, à travers ses fanfaronnades gasconnes, montrait un caractère déjà si fortement trempé, uni à une si précoce raison. Ils l’avaient donc invité à partir avec eux, aussitôt après la distribution des prix, pour Louye, en Normandie, où ils passaient la belle saison. Jean accepta la proposition avec enthousiasme et, aussitôt arrivé chez M. d’Arjuzon, écrivit à Mlle d’Etchegoyen une lettre qu’il data ainsi :


« Du plus bel endroit de l’univers, 7 août 1787. — Quel charmant voyage, ma chère tante ! On était arrivé que je ne croyais pas avoir fait le quart du chemin.

« Louye est à 25 lieues de Paris, nous avons mis huit heures pour faire le trajet en poste avec deux carrosses ; voilà comme vous devriez voyager.

« Ici tout est superbe : le château, d’abord, qui est bâti depuis 365 ans, mais qui semble tout neuf tant il est beau ; il est construit sur une grande hauteur et entouré de quatre vastes terrasses. Derrière, s’étend un parc immense, percé d’avenues qui n’en finissent pas... »

Quelques jours plus tard, Jean écrivait de nouveau : « Chère tante, je m’amuse comme un roy et mieux encore, mais cela ne m’empêche pas de penser à vous et de vous aimer. Mes plaisirs sont variés tant au dehors qu’au dedans : la chasse, la poche, les promenades, tantôt en carrosse, tantôt en phaéton, en cabriolet ou en tape-cul, et toujours des parties dans les environs. La société est fort brillante : des cordons rouges[1] et bleus[2], on ne voit que cela. Dimanche, nous étions trente-deux à table. Je vous citerai, parmi les invités, deux Béarnais : messieurs de Laussat et de Lesparda, receveurs généraux des finances. Mme la

  1. Les chevaliers de Saint-Louis.
  2. Les chevaliers du Saint-Esprit.