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comtesse de Berne, M. de Borda, le comte de Montceau, le comte de Lépinay, tous ici me témoignent de l’amitié. Je commence, il faut le dire, à posséder l’usage du monde, n’ayant plus cette timidité d’un écolier ou d’un provincial. » Jean estime donc que le moment est venu pour lui de « jeter un peu de poudre aux yeux de quelque belle ; » aussi se préoccupe-t-il beaucoup de paraître avec tous ses avantages.

« Je vous prie de me faire confectionner des chemises de belle toile avec un grand collet à la mode, ainsi que de longues cravates à la Steinkerque, parce que maintenant on les attache par devant avec une rosette. Veuillez aussi m’acheter des bas plus fins et des mouchoirs blancs : je suis seul à me servir de mouchoirs de couleur. J’ai dû me commander des jabots avec des manchettes de batiste, et une culotte de nankin étroite comme on les porte... »

Pendant le séjour de son neveu à Louye, Mlle d’Etchegoyen devait être assujettie, elle aussi, aux exigences de la mode : « Je vous prierai, quoique avec peine, ma chère tante, de vous servir d’un plus petit papier quand vous m’écrirez ici, tout le monde rit de me voir déplier de longues et larges feuilles, de sorte que je n’ose montrer vos lettres à M. d’Arjuzon. »

Ces petits accès de vanité, si excusables surtout chez un si jeune homme plus ou moins cousin de Cyrano et de d’Artagnan, n’étouffaient pas le cœur chez Jean : ses lettres débordent de tendresse pour sa tante, et il ne sait qu’inventer pour témoigner sa reconnaissance à ses hôtes : « Je vous prie de m’envoyer un jeune chien de montagne pour M. d’Arjuzon. » Une autre fois, ce sont des ortolans qu’il fait venir de son pays, ainsi qu’un « vin de liqueur » pour le fils de celui-ci, puis des jambons de Bayonne, si magnifiques que Mme de Berne les fait portraiturer sur un service de porcelaine : « Je pris cela pour une très grande faveur, surtout de la manière qu’elle me le dit. »

Cependant le temps s’écoule au milieu de distractions de tous genres : chasses où le jeune Gascon est plusieurs fois « le roy, » parties de billard, « comédies de salon deux fois par semaine, » soirées à la ville de Dreux « où l’on se rend en carrosse à quatre chevaux » et où l’on donne « des concerts, le jeudi, ainsi que de fort jolis bals, » etc., etc.

Arrivé le 15 novembre, Jean n’est pas rentré au Plessis. Il reviendra à Paris avec M. d’Arjuzon, qui lui a conseillé, écrit-il,