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profit des malheureux pour lesquels la société fait aussi de grandes aumônes. Décidément la France sera bien dans la peine cette année. »


« Paris, le 3 septembre 1788. — Me voici à Paris, ma chère tante, depuis quelques jours déjà : j’ai quitté Louye le 28 août à huit heures du soir, et je fus souper à Dreux chez Mme d’Alvimare[1], qui donnait un superbe concert. La diligence vint me prendre, chez elle, à minuit. A neuf heures du matin, nous arrivâmes à Versailles, et, à une heure et demie de l’après-midi, à Paris. La diligence me coûta 15 livres 4 sols. Je pris alors un fiacre et me fis conduire à l’hôtel de M. d’Arjuzon où je devais loger. Le 1er septembre, j’employai ma matinée à porter des thèses et je dînai au Palais-Royal. Enfin, le 2 (qui était hier mardi), de huit heures du matin à dix heures, je soutins la thèse que j’eus l’honneur de vous dédier et que je vous prie d’avoir la bonté d’accepter comme une faible marque de mon attachement et de ma reconnaissance. Je recueillis, à cette occasion, plus d’applaudissemens que je ne méritais. »


« Louÿe, le 9 septembre. — Je reprends le récit que j’ai été obligé d’interrompre le 3 pour aller dîner chez M. Duchesnay-Desprez[2], beau-frère de M. d’Arjuzon, qui me donna une place dans sa loge au Théâtre Italien. Je m’y trouvai avec trois femmes charmantes auxquelles je donnai le bras jusqu’à leurs voitures et qui me firent beaucoup d’honnêtetés. De là, je fus au Waux-Hall d’été[3] où devaient se trouver les ambassadeurs de Tippoo-Saïb à qui la France s’empresse de faire tous les honneurs, mais j’arrivai trop tard, ils étaient déjà partis.

« Le 4, je passai ma soirée à l’Opéra, où les meilleurs acteurs donnèrent Iphigénie en Tauride ainsi que le ballet du Déserteur, et le 6 chez Ruggieri des fêtes d’été, où se tirent les plus beaux feux d’artifice. Cette fois, j’eus plus de chance que l’avant-veille.

  1. Femme de M. d’Alvimare, receveur des Fermes en province (Gabelles de Dreux. Elle était la mère du harpiste si connu sous le premier Empire.
  2. Conseiller-secrétaire du Roi et trésorier général du Sceau de la Grande Chancellerie de France.
  3. Construit sur les dessins de l’architecte Mellan, le Waux-Hall d’été s’ouvrait sur le boulevard Saint-Martin. C’était un lieu de plaisir dans le genre de l’Olympia ou des Folies-Bergère de nos jours. On y donnait des bals, des concerts, des illuminations, des feux d’artifice, des loteries, des expositions, etc.