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certain cycle d’études ont échappé à l’obligation de faire trois années de service, et, comme ils appartenaient en fait à certaines classes de la société, ces classes elles-mêmes ont paru jouir d’un véritable privilège. L’impopularité qui s’est attachée au privilège a rejailli sur la loi.

C’est ce que M. Mézières a dit très courageusement à la tribune, et, ouvrant la porte aux amendemens qui devaient se produite un peu plus tard, il a déclaré qu’il faisait pour son compte le sacrifice de toutes les dispenses attachées à certains diplômes. Cela ressemblait en petit à une nuit du 4 août ! Un homme comme M. Mézières renonçant à toutes les dispenses universitaires, il y avait là quelque chose d’imprévu et qui aurait dû frapper le Sénat davantage. On ne pouvait pas dire que la bourgeoisie travaillait pour elle, et que la démocratie était sacrifiée. Quand est venue la discussion de l’article 2, M. Prévet a repris, à titre d’amendement, toutes les dispenses actuelles, celles de l’article 21 de la loi de 1889 qui se rapportent aux fils aînés de veuves ou de septuagénaires, au frère qui a déjà un frère sous les drapeaux ou dont un frère y est mort, etc. ; celles de l’article 22, qui comprennent les soutiens indispensables de famille ; enfin celles de l’article 23, qui s’appliquent aux diplômés. Mais il a expliqué tout de suite que, s’il avait repris toutes ces dispenses, c’était pour ouvrir un cadre complet à la discussion et pour que chacun pût y défendre celles qui lui paraîtraient intéressantes : quant à lui, il les abandonnait toutes, sauf celle des soutiens indispensables de famille. Cette attitude était d’autant plus significative que M. Prévet la prenait d’accord avec ses amis du centre. Quel était donc l’objet de l’amendement ? Les pauvres seuls, les familles nécessiteuses seules devaient profiter de la dispense. Il n’y avait plus le moindre avantage assuré à la fortune, aux influences sociales, aux intérêts de la culture intellectuelle : les soutiens indispensables de famille devaient seuls être admis à la dispense, et tout au plus pourrait-on en augmenter le nombre, qui est aujourd’hui de 5 p. 100 du contingent, afin d’y comprendre les dispensés de l’article 21, fils aîné de veuve, etc., dont la situation serait vraiment digne d’intérêt. On aurait pu porter la proportion à 7 ou à 8 p. 100 par exemple. Le Sénat n’a pas adopté l’amendement. Qu’a-t-on dit pour le combattre ? Qu’on donnerait des secours en argent aux familles malheureuses, comme si l’argent pouvait dans tous les cas remplacer le soutien de famille, et comme si, d’ailleurs, on pouvait engager les Chambres futures au sujet d’un crédit qu’il faudra voter tous les ans et qui pourra peu à peu devenir insuffisant. Que voulaient MM. Prévet et ses amis ? Que voulait M. Mézières, qui a livré un dernier combat