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il regarde, il s’informe, il émet le vœu que cette crypte où fut l’ancien caveau de saint Gohard soit non seulement conservée, mais rétablie telle qu’elle était à l’origine, avec des voûtes en plein cintre ; ou lui répond que cela n’est pas possible, qu’il faudrait modifier les plans du nouveau chœur dont le dallage devrait être surélevé de 2m, 20, et qu’à ce compte, la base des piliers serait enfouie ; il ne veut rien entendre, il s’emporte, il s’irrite, il crie aux Vandales, il ameute une partie de la population nantaise contre l’archiprêtre de la cathédrale, qui contrarie ses desseins. Quel inconvénient y aurait-il à ce que le chœur fût surélevé de 2m, 20 ? La vue du maître-autel n’en serait que plus magnifique et les grandes cérémonies que plus imposantes. Cependant l’architecte du gouvernement se rangeait à l’opinion du curé : la Société archéologique, saisie du différend, tout en demandant la conservation de la crypte, se prononçait contre la réfection des voûtes en plein cintre, par conséquent contre M. de la Borderie ; le Conseil général exprimait un vœu dans le même sens ; bref, notre historien se vit un jour abandonné par tout le monde. Mais il n’en continua pas moins à faire la « chasse aux Vandales. » Comme le terrain, à Nantes, se dérobait sous ses pieds, il transporta le siège de sa Revue à Saint-Brieuc, et, la question était vidée depuis longtemps qu’il m’excitait encore à la rouvrir. Avait-il tort ou raison dans l’espèce ? Je ne voudrais pas répondre comme le Normand, mais je suis de ceux qui regrettent qu’on n’ait pas trouvé le moyen de lui donner satisfaction. En conscience, je crois qu’on le pouvait, et la chose en valait la peine. Au lieu d’avoir dans le chœur de cette admirable cathédrale de Nantes, — la seule qui existe en France dans le style du XVe siècle, — au lieu d’avoir une cave obscure et fermée où l’on ne peut descendre que par une trappe, on aurait aujourd’hui une chapelle souterraine de toute beauté.

Ai-je dit qu’il aimait la cathédrale de Nantes comme sa fille, depuis qu’il avait découvert le nom de l’architecte qui en avait dressé les plans sous le duc Jean V ? Cela expliquerait en partie son attitude dans l’affaire de la crypte. On ignore généralement par qui furent dessinées les cathédrales gothiques qui sont la gloire de notre architecture nationale du XIIIe au XVIe siècle, et il n’y a pas longtemps que les archéologues se sont avisés de rechercher ceux qu’on appelait alors les maîtres de l’œuvre. De ce qu’elles furent élevées par la piété et la sueur du peuple, il semble