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M. Combes des obligations impérieuses, auxquelles il ne peut pas se soustraire un jour de plus, ces obligations doivent avoir un caractère général : comment se fait-il que M. Combes s’en dégage si aisément lorsqu’elles le gênent, et qu’il s’y soumette si docilement lorsqu’au contraire elles lui conviennent ? Et on appelle cela l’exécution d’une loi ! Nous l’appelons, nous, de son nom véritable, qui est le bon plaisir et l’arbitraire. Il n’y a là ni justice, ni équité, ni légalité : il n’y a qu’un acte politique, et c’est comme tel qu’il faut l’apprécier. M. Combes en a fait d’ailleurs l’aveu dans son discours de Pons, lorsqu’il a parlé une fois de plus de la nécessité de sauver la République. « L’acte qui s’accomplit en ce moment, a-t-il dit, est une œuvre de salut républicain. Oui, de salut républicain, parce que, depuis cinquante ans, l’influence des congrégations dans les actes de la vie publique et dans les élections des représentans du pays est devenue énorme. Si le peuple, par un effort généreux et puissant, n’était venu contre-balancer la force apportée ainsi à la réaction, la République aurait couru les plus grands dangers : peut-être n’existerait-elle plus. » En parlant ainsi, M. Combes a sans doute dit une niaiserie, mais enfin ce qu’il a dit avait un sens ; tandis que ceux qui invoquent pour lui l’obligation d’exécuter la loi, alors qu’il ne l’exécute que lorsqu’il y voit un intérêt de parti et qu’il s’en dispense dès qu’il croit y apercevoir un danger, disent une chose qui n’a pas de sens. La vérité est qu’en aucun temps, on n’a mis plus de fantaisie dans l’exécution de la loi, et que, loin de vivre sous le régime de la loi, nous vivons, au bout de plus de trente ans de république, sous celui des circulaires ministérielles et des arrêtés préfectoraux.

Une argumentation juridique ne serait pas ici à sa place : au surplus, nous avons eu déjà plus d’une fois l’occasion de dire comment il fallait entendre les principales dispositions de la loi du 1er juillet 1901. Nous étions alors d’accord avec les premières interprétations que M. Waldeck-Rousseau en avait données. Depuis, on a demandé au Conseil d’Etat un avis qui pouvait sans doute servir de règle au gouvernement jusqu’à ce qu’une jurisprudence définitive se fût établie, mais qui, à l’égard des tiers, ne pouvait pas être investi d’une autorité d’où résultât pour eux la moindre obligation. Encore une fois, il y a la même différence entre un avis et un arrêt du Conseil d’État qu’entre une consultation de jurisconsultes et un jugement : on fait de la première ce qu’on veut, tandis qu’on est obligé de se soumettre au second. Mais il y a plus : l’avis du Conseil d’État ne se rapportait pas aux difficultés d’interprétation que le gouvernement vient de résoudre