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prix : la cession de Tabago en paiement des frais d’entretien de ces malheureux. « Il est impossible, mandait Otto, le 4 janvier 1802, de jeter les yeux sur les dépôts de nos prisonniers, sans frémir d’horreur ; mais, quand j’ai vu que Tabago devait être le prix de ce sacrifice apparent, j’ai dû considérer les prisonniers comme les soldats d’une place assiégée, dont les privations et les souffrances sont sans doute extrêmes, mais qui se dévouent pour la gloire et l’honneur de leur pays. »

A Amiens, l’Espagne discute la cession de la Trinité ; la Hollande demande avec instance une compensation pour Ceylan. Les Anglais répliquent par la demande d’une indemnité pour le roi de Sardaigne, « moyennant quoi, écrit Joseph, ils adhéreraient par un article patenta tous les arrangemens que la République française jugerait à propos de faire en Italie. » Joseph interroge Talleyrand : « La reconnaissance de la Cisalpine et du roi d’Etrurie est-elle une condition sine qua non du traité définitif ? » Enfin, Malte, sur quoi l’on dispute toujours, depuis la conférence préliminaire de Paris, et sur quoi l’on se sépare aussitôt que l’on croit s’être mis d’accord[1].

Bonaparte jugea imprudent d’insister sur le commerce de l’Inde. « Il faut tout faire, écrivait d’Hauterive à Joseph, pour obtenir de pouvoir améliorer et étendre notre position dans cette partie du monde, telle qu’elle avait été déterminée en 1783 ; mais il n’en faut pas faire un motif d’empêcher ni de retarder la paix[2]. »

Le Premier Consul en avait d’autres raisons, les articles de commerce, le renouvellement du traité de 1786 dont il ne voulait pas entendre parler. Les Anglais lui donnaient d’ailleurs une leçon d’économie politique, et lui fournissaient le meilleur prétexte pour décliner toute convention sur ce sujet ; très résolu, d’ailleurs, à ne pas transformer la France agrandie en une de ces colonies de commerce britannique, que l’Angleterre entendait se réserver aux Indes.

Le 18 janvier, les négociateurs purent se croire à point. Joseph proposa que Malte fût remise à l’Ordre « sous la protection et la garantie de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Autriche, de la Russie, de l’Espagne et de la Prusse. » Cornwallis « ne cacha point que ce projet lui semblait convenable. »

  1. Rapports de Joseph, 19 et 22 janvier 1802.
  2. 29 décembre 1801, sur les instructions du Premier Consul.