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Joseph ajouta que les troupes françaises n’évacueraient le royaume de Naples qu’à l’époque de l’évacuation de Malte par les Anglais. Cornwallis référa du tout à Londres, et, le 30, il reçut la réponse : Addington « se plaignait beaucoup de l’assentiment que Cornwallis semblait avoir donné au projet relatif à Malte[1]. »

La négociation se remit à couler en digressions et périphrases. C’est que Bonaparte avait cessé d’y tenir la main. Il s’était flatté d’abord de finir, d’un trait de plume, en changeant le temps d’un verbe, et il avait ajourné son voyage à Lyon : la paix signée, il eût paru, devant les Italiens, en souverain maître des affaires. Les Anglais se retirant, il changea de tactique, leur tourna le dos, les laissa délayer leurs objections, et se mit en posture de leur montrer, par un nouvel exemple, le danger de traîner en longueur avec un homme qui savait, comme lui, tirer parti du temps.


III

Le 26 janvier, la « République italienne » était constituée et Bonaparte en était acclamé le Président. Alors, il se retourna vers Amiens. Mais il éprouva des résistances auxquelles il ne s’attendait point. Tandis qu’il chargeait Joseph de notifier à Cornwallis la constitution de la République italienne, qu’il la notifiait lui-même à Alexandre, qu’il annonçait à cet empereur l’évacuation prochaine de la Suisse, la remise de Malte à l’Ordre, la signature imminente de la paix[2], Joseph, malgré son optimisme, était contraint d’écrire, le 12 février : « Mes dépêches précédentes doivent vous avoir mis à portée d’apprécier les difficultés qui retardent la conclusion. L’article de Malte n’est pas réglé. Lord Cornwallis m’a proposé de déclarer le traité de paix commun à la Turquie. » Ces difficultés provenaient de l’effet produit en Angleterre par la Consulte de Lyon, la présidence de la République italienne, l’occupation de l’ile d’Elbe, l’expédition de Saint-Domingue, surtout le bruit des préparatifs maritimes en France, en Hollande, et le retentissement des entreprises coloniales dont l’acquisition de la Louisiane annonçait le dessein.

Les Anglais démêlaient les desseins de Bonaparte sur la paix,

  1. Protocole de la conférence du 18 janvier 1802. Rapports de Joseph, 18, 19, 31 janvier 1812.
  2. Talleyrand à Joseph, 14 février ; Bonaparte à Alexandre, 16 février 1802.