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cellules entraîne une chaîne d’êtres en coopération, une vraie colonie de cellules, une association rudimentaire qui constitue le corps. Chez le « protozoaire, » de simples conditions d’équilibre mécanique et chimique font que, après avoir acquis une taille déterminée, l’être vivant ne peut dépasser cette taille ; et, comme l’assimilation continue cependant d’augmenter en lui la quantité des « substances plastiques, » il faut bien que sa masse se divise naturellement en deux masses plus petites, dont chacune contiendra, en moindre quantité, toutes les substances constitutives du protozoaire primitif. Ces substances étant, par cela même, douées de vie élémentaire, on a désormais deux masses vivantes au lieu d’une. On dit alors que le protozoaire s’est reproduit, à peu près « comme une goutte d’huile qui, en vertu de certaines conditions mécaniques d’équilibre, se divise en deux gouttes d’huile[1]. »

Si maintenant nous revenons au métazoaire, nous voyons que certains élémens de son corps, les germes, peuvent être séparés du corps sans être atteints de mort : ces germes conservent leur vie élémentaire en dehors des conditions de milieu spécial qu’entretenait, dans le tout dont ils faisaient partie, la vie même de ce tout. En cas de parthénogenèse, ces élémens peuvent se suffire et reproduire un corps analogue au premier. En cas de fécondation, ils sont des plastides incomplets qui ont besoin d’être complétés par un autre plastide incomplet, mais de nature complémentaire (ovule ou spermatozoaire).

Si on recherche la nature ultime de la reproduction, on voit que celle-ci est aussi primitive que la nutrition, surtout dans l’être multicellulaire, et que la nutrition peut être représentée elle-même comme une reproduction continuelle du protoplasme « Toute nutrition, dit Hutschek, est reproduction. » Dans cette sorte de conjugaison égale qu’on a nommée isophagie, la faim et l’amour deviennent impossibles à distinguer : les deux êtres s’unissent et se dévorent tout ensemble. A vrai dire, les quatre grandes opérations vitales, — soustraction de substance, addition de nouvelle substance, division, multiplication, — sont différens momens d’une même histoire et se comprennent les unes par les autres.

Entre la croissance et la multiplication, entre la nutrition et

  1. Voyez le livre très remarquable de M. Le Dantec, Théorie nouvelle de la vie, Paris, Alcan, 1899.