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avait une grande affection pour M. Schœpf, le directeur ; quelques instans avant de mourir (elle était phtisique), « elle entoura de ses bras le cou de M. Schœpf, regarda longuement son ami, l’embrassa trois fois, lui tendit une dernière fois la main, et expira. »

James Malcolm, « observateur exact » selon Romanes, avait embarqué avec lui deux singes sur un bateau. Un jour, le plus jeune tombe à la mer ; à cette vue, son compagnon s’agite fiévreusement, saisit d’une main le bord du navire, et de l’autre tend à son camarade le bout d’une corde qu’il avait enroulée autour de son corps. La corde n’était pas assez longue ; mais les matelots, témoins étonnés du fait, en jetèrent une autre à laquelle le noyé put s’accrocher Leur action secourable ne faisait que continuer celle du singe. Au Brésil, Spix a vu une femelle de singe Stentor Niger qui, blessée d’un coup de feu, rassembla ses dernières forces pour lancer son petit sur les rameaux voisins ; ce devoir maternel rempli, elle tomba de l’arbre et expira. Le capitaine américain Hall fut témoin d’un fait analogue à Sumatra : « Le premier coup de feu, dit-il, brisa le grand orteil de la mère, qui poussa un cri horrible. Puis, soulevant à l’instant même son enfant aussi loin que ses grands bras lui permettaient d’atteindre, elle le lâcha vers les dernières branches, qui semblaient trop faibles pour la supporter elle-même… A partir de cet instant, la pauvre mère sembla s’oublier pour ne plus songer qu’au sort de son enfant. Jetant, de moment en moment, un coup d’œil vers l’extrémité de l’arbre, elle exhortait son petit avec la main à s’échapper au plus vite. Elle semblait lui tracer la route qu’il devait suivre pour gagner, de branche en branche, les parties sombres et inaccessibles de la forêt. La seconde décharge étendit l’animal à terre[1].

Bien connus sont les dévouemens des singes cynocéphales qui vivent en grandes troupes. Les mères, dans le danger, n’abandonnent point leurs petits et s’exposent à la mort pour les défendre. On a souvent cité, d’après Bœhm, le cas de ce vieux mâle qui, voyant un jeune attardé et près d’être saisi par les chiens, marcha au-devant d’eux, prit dans ses bras le jeune menacé et l’emporta en triomphe.

Le sentiment maternel est très développé chez la femelle d’une

  1. Franklin, Vie des animaux, t. I, p. 46.