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tribunaux de droit commun et peut-être les tribunaux administratifs eux-mêmes à se déclarer également incompétens. N’est-ce pas le cas de dire : summum jus, summa injuria ? Ces abus du droit écrit font croire à la conscience populaire qu’il n’y a pas de droit du tout, ou du moins qu’il n’y en a pas pour le gouvernement et que les citoyens ne sauraient jamais avoir raison contre lui. C’est une maladresse souveraine et une absence d’esprit politique que nous n’avions jamais constatées à ce degré que de laisser se poser de pareilles questions sans une nécessité absolue. Et ici, où était la nécessité ? même en admettant toutes les fantaisies juridiques de M. Combes, était-il indispensable d’apposer des scellés sur des immeubles scolaires au début des vacances, c’est-à-dire à un moment où les classes devaient se fermer naturellement ? M. Combes craignait-il qu’on ne fit revenir les enfans déjà rendus à leur famille, uniquement pour le narguer ? A quoi bon ce déploiement de forces, aussi vain que théâtral ? Évidemment, M. Combes a voulu donner une grande idée de lui. Il y est parvenu ; mais dans quel sens ?

Ses amis politiques eux-mêmes éprouvent quelque embarras à l’applaudir ; on sent qu’ils y font effort. Les journaux radicaux et socialistes les plus avancés sont pour lui pleins d’éloges hyperboliques ; ils ont enfin trouvé le ministre de leurs rêves, ils le disent du moins ; mais, après l’avoir dit, ils donnent tout de même quelques conseils de prudence. Il en est qui se demandent ce que vont devenir tous ces enfans dont on a fermé les écoles, avant même de s’être assuré que celles de l’État pourraient les contenir. Parmi toutes les voix qui se sont élevées pour présenter des observations, faire des réserves ou même exprimer un blâme, il faut distinguer celle de M. Goblet qui, après s’être mis volontairement hors de la politique active, juge ses amis avec l’indépendance que donnent le recueillement et le désintéressement de la retraite. Au reste, et bien que nous soyons séparés de M. Goblet sur beaucoup de points essentiels, nous avons toujours reconnu en lui un libéral. Il a présenté jadis un projet de loi sur les associations très différent de celui de M. Waldeck-Rousseau, puisqu’il autorisait les congrégations religieuses à se former en vertu d’une simple déclaration. Nous accepterions aujourd’hui volontiers le projet de M. Goblet, sûrs que nous serions de ne pas perdre au change. Mais, si libéral qu’il soit, M. Goblet est radical ; il est même un des chefs de son parti ; il était, si nous ne nous trompons, un des membres principaux du comité d’action qui avait été constitué à la veille de la campagne électorale ; il ne saurait donc être suspect de