Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

papier. Le ci-devant rédacteur des Actes des apôtres, Peltier, provoquait dans son libelle périodique, l’Ambigu, « les derniers Romains » à faire au nouveau César « l’apothéose de Romulus. » C’était un appel aux militaires mécontens de Paris, jaloux du Consulat à vie, offusqués par le Concordat.

Georges Cadoudal n’entendait point en laisser l’honneur aux « derniers Romains. » Dès l’année 1800, il avait projeté le « coup essentiel, le coup sur la capitale, » qu’il tenta en 1804. Marengo avait rompu ce dessein. En août 1802, il retourna voir l’ancien collègue de Pitt, Windham, avec qui il demeurait en rapports, réclamant, pour sa milice de forbans, des subsides et des barques. « Évidemment, écrit Windham, après la visite, il a en vue quelque changement qui, il le pense, doit arriver en France et pour lequel il désire que ses officiers soient libres de leurs mouvemens. » Le changement, c’est celui que Georges essaya d’opérer, deux ans plus tard, sur la route de Malmaison. Sur ces entrefaites, et pour prévenir l’effet, peut-être favorable, de l’arrivée prochaine, disait-on, d’Andréossy, les ennemis de la France montèrent une machine analogue à celle qui, en 1792, avait fait échouer la mission du comte de Ségur à Berlin. Ce sont de prétendues instructions à Andréossy qui, par une prétendue indiscrétion, sont lancées dans le public[1]. Elles portent, dans les libelles, la signature de Talleyrand et la date de messidor an X. L’objet, très grossièrement souligné, en est de froisser l’honneur anglais et particulièrement la dignité de la couronne. « Les Pitt, les Grenville, les Windham, les Bourbons et leurs amis les Chouans sont autant les ennemis des ministres et les ennemis de la paix que ceux du gouvernement actuel. » Et voilà, dès la première donnée de cette feinte instruction, le cabinet Addington posé comme l’associé de la République française, invité à en devenir le complaisant. Voici mieux, et c’est ici que se découvre l’imitation de l’apocryphe de Berlin, qui déclarait tout à vendre en Prusse, prescrivait à Ségur de tout acheter et désignait les personnes sinon de la plus haute valeur, au moins les plus vénales. Le prince de Galles, dit l’instruction, vit dans le désordre, sa dette immense est un scandale, même à Londres. Andréossy doit circonvenir ce prince, insinuer « qu’il souffre de le voir dans une situation si peu brillante et que, quoique sans pouvoir,

  1. Affaires étrangères, corr. d’Angleterre, en copie : Extrait des papiers anglais.