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pour être placé dans leur hospice de Santa-Maria Nuova, exerça d’influence sur les peintres toscans, notamment sur D. Ghirlandajo. Son œuvre, en dehors de cette peinture, reste fort incertaine, presque autant que celles de deux autres gantois, Josse ou Juste Van Wassenhove, qui fit une Cène, vers 1474, pour une église d’Urbino et dont on perd ensuite les traces, et ce mystérieux Van der Meire, si célèbre en son temps, à qui la tradition attribue un certain nombre de tableaux mouvementés et poétiques, tels que le grand triptyque (Crucifixion et Gestes de Moïse) à Saint-Bavon de Gand. La comparaison de cet ouvrage avec quelques peintures de Bruges, notamment avec le Crucifiement de l’église Saint-Sauveur, eût été instructive ; il est regrettable qu’on ne lui ait pu faire faire ce court voyage.

Tandis qu’à Bruxelles et à Gand se préparait ainsi l’évolution de l’art historique et décoratif, qui devait un peu plus tard trouver son centre à Anvers, les peintres de Hollande, travaillant à Harlem ou s’établissant dans les Flandres, apportaient, sous cette même impulsion de Jean Van Eyck, à l’œuvre commune, l’appoint de leurs qualités indigènes : un sentiment admirable des résonances et des harmonies de la couleur, une intelligence naïve et profonde des réalités familières et proches de la vie et de la nature. A défaut d’A. Van Ouwater (1400 ? -1460 ? ) dont la seule œuvre authentique n’est visible qu’au musée de Berlin, son compatriote, Thierri Bouts (1415-1475), né, comme lui, à Harlem, mais établi à Louvain vers l’âge de trente ans, déploie ici le génie spécial de la race en quelques œuvres curieuses. Aucune d’elles n’égale, à beaucoup près, les deux grands panneaux de la Justice de l’empereur Othon (musée de Bruxelles), peints en 1468 ; mais elles nous montrent le vieux maître sous d’autres aspects. Le Martyre de saint Hippolyte, prêté par l’église Saint-Sauveur, est peut-être le témoignage d’un séjour à Bruges fait par Thierri en 1462, à la mort de Pierre Coustain, peintre ducal, son maître et son ami, dont il demanda, en souvenir, les patenôtres. En tout cas, les gaucheries et les inexpériences qui abondent sur ce panneau lui assignent une date antérieure à celle du Martyre de saint Erasme (1464) et de la Cène (1468). Malgré des imitations flagrantes de Van der Weyden, qui ont pu faire attribuer le Saint Hyppolyte à Memlinc, le Hollandais se sépare déjà de Roger, sur bien des points.

Impuissance, tout d’abord (impuissance commune à presque