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devoirs de protecteur et la passion qui gronde en lui. Cependant J. Mac Gregor revient, et trouvant la position insolite, offre à David l’alternative de se couper la gorge avec lui ou d’épouser sa fille. Notre héros ne veut pas d’un mariage forcé; Catriona non plus, et le vieux brigand, se contentant d’une modeste pension, quitte la place et se rend avec sa fille à Dunkerque. C’est là que David, accompagné d’Alan Breck, va les rejoindre et, ayant découvert que J. Mac Gregor est un misérable espion, décide sa fille à rompre avec son père et à l’épouser librement.

Il faut citer, de cette seconde partie, la page où l’auteur décrit la scène entre David, qui se plonge dans l’étude de son livre de droit pour rester maître de ses sens, et la jeune fille, tout innocente, qui a besoin de tendresse et qui, ne voyant pas recueil de ce tête-à-tête continu, s’étonne de la froideur de son ami. « Elle était assise sur le plancher, près de la grande malle, et le feu de la cheminée projetait sur elle des rayons et des ombres, avec des nuances merveilleuses. Tantôt elle regardait cela, tantôt elle jetait de mon côté un regard qui me remplissait de terreur, et je tournais les pages du livre de Heineccius, comme un fidèle qui cherche un texte à l’église. Tout à coup, elle s’écria : « Oh ! pourquoi mon père ne vient-il pas ? » et elle versa un torrent de larmes. Je sautai de ma chaise, jetai mon Heineccius bel et bien dans le feu, courus près d’elle et entourai de mon bras son corps palpitant. Elle me repoussa mollement : « Vous n’aimez pas votre amie, dit-elle. Je pourrais être si heureuse, si vous vouliez me laisser faire. Et puis : — Oh ! qu’ai-je donc fait pour que vous me haïssiez ? — Vous haïr ? m’écriai-je, et je la tins ferme. Vous, aveugle jeune fille, ne lisez-vous donc pas dans mon cœur misérable ? Croyez-vous donc que, quand je suis assis à lire dans ce livre de fou que je viens de brûler, je pense à autre chose qu’à vous? Soir après soir, j’avais envie de pleurer en vous voyant assise seule. Et qu’avais-je à faire ? Votre honneur est ici sous ma sauvegarde. Voudriez-vousme punir d’avoir fait mon devoir ? Est-ce pour cela que vous chassez un serviteur qui vous adore ? »

« À ce mot, par un soudain mouvement, Catriona se rapprocha de moi. Je soulevai sa tête vers la mienne et la baisai ; elle pencha son front sur mon sein, me serrant les mains. « J’étais étourdi comme un homme ivre. Puis, j’entendis sa voix murmurer, comme voilée par mes habits. — Mais elle :