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Je ne puis assez dire combien m’a touché la réception qui m’a été faite là, dans certain cercle purement indien et fondé par initiative indienne pour favoriser la lecture de nos revues et de nos livres.

Afin de répandre davantage notre langue, on y a joint une école. Et quels adorables petits élèves on m’y a présentés ! Enfans d’une huitaine d’années, au fin visage de bronze, si bien élevés et si courtois, vêtus, comme des petits rajahs, de robes en velours brodé d’or, — et sachant faire au tableau des problèmes, des devoirs de français qui embarrasseraient la plupart des petits lycéens de chez nous.


XII. — DANSE DE BAYADÈRE

… Il s’avance, le jeune visage peint, aux trop longs yeux… Il s’avance et se recule, très légèrement, très vite, le jeune visage de sensualité et de ténèbres. Les deux prunelles qui roulent, noires comme de l’onyx, sur fond d’émail blanc, sont rivées aux miennes, sans les perdre jamais, dans ces obsédantes alternatives d’approche, de fuite dans l’ombre, puis de retour et comme d’agression. Il est tout casqué de pierreries, le jeune visage couleur de bronze ; un bandeau d’or et de diamans entoure le front et descend le long des tempes, en cachant la chevelure ; aux oreilles, à la cloison du nez, encore des diamans qui scintillent…

C’est la nuit, aux lumières. Et, dans la foule, je ne vois plus que cette femme, surtout cette tête casquée, ce point brillant qui m’hypnotise. Des spectateurs sont là, pressés, la regardant aussi, lui laissant à peine la place de son évolution, lui traçant comme un couloir pour m’approcher et pour me fuir ; mais ils cessent d’exister pour moi, et vraiment je ne vois plus qu’elle, sa coiffure étincelante, le jeu de ses prunelles noires et de ses sourcils noirs… Un corps souple de couleuvre, bien que gras et en belle chair ; des bras de séduction et d’enlacement, qui se tordent à la manière serpentine, chargés, cerclés jusqu’aux épaules de diamans et de rubis… Mais non, avant tout il y a ces yeux, à l’expression changeante, moqueuse ou tendre, plongeant au fond des miens jusqu’à me faire trembler… Et elles ont tant d’éclat, les pierreries de la coiffure, les pierreries des oreilles et du nez, et il forme un cadre si net et si brillant, le bandeau d’or, que ce visage là-dessous, avec ses traits fondus,