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sacrifices compatibles avec l’honneur. Mais si un parti, en Angleterre, a conclu la paix et désire la maintenir, un autre « a juré à la France une haine implacable ; » d’où une altitude, à la fois pacifique et menaçante. » — « Tant que durera cette lutte des partis, il est des mesures que la prudence commande au Gouvernement de la République, 500 000 hommes doivent être et seront prêts à la défendre et à la venger. » Il répondait d’ailleurs du triomphe final, et en une phrase aussi présomptueuse de sa part que méprisante pour les Anglais : « Quel que soit à Londres le succès de l’intrigue, elle n’entraînera point d’autres peuples dans les ligues nouvelles ; et le Gouvernement le dit avec un juste orgueil : seule l’Angleterre ne saurait aujourd’hui lutter contre la France. » Et l’Angleterre sera seule à lutter !


II

Cependant, ce jour-là même, Bonaparte reçut un avertissement significatif. C’était une note de Markof, sur des instructions qui lui arrivaient de Pétersbourg. L’empereur est surpris du ton que prend le Premier Consul : « Ce n’est pas celui qui doit exister entre des États indépendans. Sa Majesté ne veut ni commander, ni que personne lui commande. » Puis, cette allusion directe à l’Egypte : L’empereur, satisfait du lot que la Providence lui a assigné, ne songe à s’agrandir d’aucun côté ; il entend que personne ne s’agrandisse aux dépens de la Turquie. Que le Premier Consul rassure sur cet article, la paix avec l’Angleterre sera facilitée. » Et, en attendant, la Russie rassure les Anglais. Le chancelier de l’empire mande à Simon Woronzof, à Londres : « Les intérêts de la Russie et ceux de l’Angleterre ont tant de points communs entre eux que ces deux puissances peuvent se considérer comme alliées sans avoir besoin de l’écrire sur le papier[1]. »

Les « amis de l’Angleterre » travaillant à semer l’alarme, à montrer la guerre imminente, à en rejeter toute la responsabilité sur Bonaparte ; et ils y réussissent. Talleyrand, qui les fait souffler par ses « affidés, » qui ménage Londres, qui cherche surtout à s’insinuer près d’Alexandre, est représenté par eux,

  1. Novembre 1802. Markers, p. XI.