Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

photographes, des tapissiers, des horticulteurs, de l’interminable série des petites professions autonomes que les inventions, le bien-être, la richesse font naître par milliers et détachent sans cesse des branches essentielles de la production. Leur spécialisation suit la spécialisation des besoins. Et Bücher[1], Bernstein[2], Leroy-Beau lieu[3] montrent, par des chiffres irréfutables, leur progression croissante, reflet des efforts de la petite classe moyenne pour s’adapter, se maintenir et se développer.

Le phénomène est très apparent en Belgique : le recensement général des industries et des métiers établit qu’il y a en Belgique plus de 300 000 entreprises relevant de la très petite et de la petite industrie ; si l’on y ajoute les petits commerçans, détaillans, boutiquiers, colporteurs, on arrive à un formidable chiffre de citoyens constituant les élémens de la petite et de la très petite bourgeoisie se recrutant dans le prolétariat en train de s’élever par l’ordre, l’économie et le travail[4].

Il résulte également de ce recensement que l’industrie à domicile occupe plus du sixième de la population proprement dite, et que la fabrication à la main se maintient à côté du machinisme, même dans les industries où la prédominance du procédé mécanique paraît incontestable. C’est ainsi qu’il y a plus de 25 700 tisserands travaillant au métier à bras contre 23 500 travaillant au métier mécanique.

Or le métier local ou usuel suppose l’habileté, l’intelligence, l’initiative individuelle ; il entretient une légion de petits patrons, d’artisans, de commerçans travaillant seuls ou avec les membres de leurs familles ou avec quelques auxiliaires. Parfois aussi, ces petits patrons fournissent de l’ouvrage à des ouvriers qui, à leur tour, sont tantôt isolés, tantôt aidés de membres de la famille. Et cette nombreuse classe de producteurs qui est une des garanties de l’équilibre social, puisqu’elle assure par en bas le recrutement de la classe moyenne dont Aristote a dit qu’elle est indispensable à la prospérité des nations, s’affirme à côté des entreprises capitalistes les plus monopolisées.

  1. Bücher, Études d’Histoire et d’Économie politique. Trad. Hansay. Paris, 1900.
  2. Bernstein, Socialisme théorique et Social-Démocratie pratique. Trad. Cohen. Paris, Stock, 1900.
  3. Leroy-Beaulieu, Traité d’Économie politique, vol. I, p. 469 et s.
  4. Recensement général publié par le ministère du Travail. Hayez, 1901. Bulletin du Comité, central du travail industriel. Bruxelles, Viselé, août 1901. Article de M. Waxweller.