Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obéir ? M. Combes, croyant avoir besoin d’eux, est à eux, et il nous met avec lui de plus en plus à leur discrétion.


Les vacances se font sentir au dehors comme au dedans, sinon même davantage : le monde sommeille un peu. Pourtant l’empereur d’Allemagne est toujours très éveillé, et son récent voyage à Posen a servi de prétexte à une grande manifestation politique et oratoire, comme il sait les organiser et comme il aime à les faire. Il n’avait jusqu’ici parlé des Polonais qu’à Marienbourg ; on sait dans quels termes amers et menaçans. Il lui restait à en parler en Pologne même, et Posen, capitale du grand-duché du même nom, est en Prusse la ville polonaise par excellence.

Que dirait l’empereur ? Rééditerait-il son discours de Marienbourg ? En ferait-il un autre en termes plus adoucis ? Inaugurerait-il une politique plus humaine ? Personne ne le savait ; mais comme il est homme à métamorphoses, et qu’il a été autrefois l’ami des Polonais avant de leur déclarer une sorte de guerre, on s’attendait à tout, sans d’ailleurs compter sur rien. On n’a pas plus oublié les discours de M. de Bulow que ceux de l’empereur lui-même. Ils exprimaient encore plus crûment une pensée identique, à savoir que les Polonais sont une race à la fois inférieure et encombrante, pullulante et envahissante à l’excès, contre laquelle on ne saurait prendre trop de précautions si on veut sauver contre eux cette fleur précieuse, mais parait-il, très délicate, qui s’appelle la civilisation allemande. M. de Bulow n’était-il pas allé jusqu’à comparer les Polonais aux lapins démesurément prolifiques, tandis que le lièvre allemand se raréfie d’une manière de plus en plus inquiétante dans les provinces orientales de l’empire ? Ces métaphores hardies, et gratuitement offensantes, étaient d’ailleurs accompagnées d’actes significatifs. La persécution exercée à Wreschen contre de malheureux enfans, qui parlaient polonais à l’école au lieu d’y parler allemand, a généralement paru odieuse. Enfin, le gouvernement a fait voter par les Chambres un supplément de crédit de 100 millions de marcks pour continuer, en la développant, l’œuvre de germanisation entreprise dans les provinces polonaises. Elle consiste à acheter de gré ou de force des terres aux Polonais et à mettre à leur place des colons allemands. Tous les Polonais, non seulement en Allemagne, mais en Russie, et surtout en Autriche, où ils sont mieux traités et plus libres que partout ailleurs et où ils participent au gouvernement d’une manière très directe, tous les Polonais ont éprouvé de la douleur et de l’indignation en présence de la bruta-