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contraire, la retenir dans l’avant-port. Il fut décidé que la largeur du chenal serait portée à 240 mètres à la surface, ce qui donnera, la déclivité des berges restant la même, une largeur de 200 mètres au « plafond ; » sa profondeur sera portée à dix mètres. Ces travaux, entrepris par la Compagnie du Port, sont poussés avec une grande ardeur. Déjà, aux deux extrémités, d’énormes masses de terre et de roche ont été enlevées ; seule, la partie centrale est encore intacte ; il a fallu, avant de l’attaquer, transférer ailleurs l’ancien port à charbon, refaire, pour les eaux de la ville, un nouveau siphon ; et il reste à démolir le fameux pont-transbordeur, édifié naguère à grand frais.

Si la marine tient avant tout à disposer d’une large issue toujours libre, l’armée de terre n’attache pas moins d’importance à pouvoir transporter rapidement, d’une rive à l’autre, ses troupes et ses canons : le canal, indispensable aux bateaux, est un obstacle pour la défense terrestre. En outre, la route de Bizerte à Tunis, très fréquentée par les indigènes, s’est trouvée coupée. Le transbordeur, avec ses deux immenses piliers, son pont roulant et son tablier, si haut suspendu que les plus grands navires pouvaient passer dessous, servait à la traversée L’élargissement du canal le condamne à la chute ; les marins, d’ailleurs, craignaient qu’en cas de guerre, il ne fournît à l’ennemi un point de repère, visible à très grande distance, pour régler le tir de ses canons ; ils redoutaient que, démolie par les obus, sa carcasse ne vînt à obstruer le passage. Mais par quoi le remplacer ? Quel moyen trouver qui soit pratique, en temps de paix, pour les Bizertins, et qui permette, en cas de guerre, de concentrer rapidement les troupes sur un point quelconque du secteur à défendre, sans gêner la navigation ? Le projet d’un tunnel a des défenseurs chaleureux : il aurait le double avantage de libérer le canal de toute servitude de passage et d’assurer à la garnison une voie de communication abritée et toujours libre. On s’est résigné, pour le moment, par raison d’économie, à l’établissement de deux bacs à vapeur à chaîne immergée.

L’entrée du canal était protégée par deux jetées ; celle du Nord, longue de 1 023 mètres et celle de l’Est, de 950 mètres, s’avançaient au-devant l’une de l’autre et délimitaient un avant-port triangulaire de 86 hectares. Juste dans le prolongement du canal, entre les deux musoirs, surmontés chacun d’une