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nouvelle de cette triple séparation ; dans le billet qu’il remit aux PP. Déplace et Druilhet, nous ferons remarquer cette phrase significative :


Je regrette vivement leur départ, et, assurément, ils ne seraient jamais partis, si ma volonté avait pu être quelque chose en cette affaire.


Un jour qu’on essayait de l’indisposer contre le baron de Damas et les Jésuites :

Enfin, répondit-il, soyez donc conséquent ! Vous dites que je suis roi, j’ai donc une volonté ; or ma volonté est que le baron de Damas reste, et ces messieurs aussi ; qu’avez-vous à dire ?


On sait qu’un grand nombre de Français vinrent à Prague à l’occasion du 29 septembre, jour où le jeune prince entrait dans sa quatorzième année ; on espérait, en proclamant sa majorité, l’arracher à l’autorité de son grand-père. La Duchesse de Berry régente, Chateaubriand premier ministre, quel rêve pour tant d’imaginations qui confondent la poésie avec la politique ! Nous ne relatons au surplus ces intrigues que pour montrer les dispositions du Duc de Bordeaux en cette occurrence.

Pour prémunir ses petits-enfans contre ce qu’ils pourraient entendre, Charles X crut devoir leur révéler le changement survenu dans la situation de leur mère. Ils avaient su par elle-même une partie de ses malheurs, sa prise à Nantes, sa captivité à Blaye, ses longues souffrances, mais ils ne savaient pas tout.


Le Roi réunit donc toute la famille, c’est-à-dire le Dauphin, la Dauphine et les deux enfans, et là, d’un ton grave et solennel, il exposa, pour ces deux derniers, la suite des malheurs de leur infortunée mère, l’alliance qu’elle avait contractée au milieu du tumulte des armes, l’enfant qui en était né dans la prison de Blaye, le lieu où, depuis le recouvrement de sa liberté, elle s’était retirée avec sa nouvelle famille… À ces tristes nouvelles, le cœur des deux enfans fut profondément ému, mais leur émotion se montra d’une manière fort différente. Mademoiselle fondit en larmes et supplia le Roi de ne point retirer son amitié à sa mère. Le prince ne pleura point. Debout, appuyé sur l’angle d’une croisée, il resta sérieux, mécontent, la rougeur sur le visage ; son cœur était gros, il s’épancha bientôt après avec le baron, l’abbé de Moligny, son confesseur, le P. Déplace. L’amour qu’il avait pour sa mère luttait avec le vif déplaisir qu’il éprouvait de ce qu’il venait d’entendre… « Ah ! s’écria-t-il avec amertume, qu’ils sont donc coupables, ceux qui ont entraîné ma mère dans toutes ces imprudences ! »


Il désapprouvait hautement les intentions avec lesquelles les délégués de la jeune France arrivaient à Prague.