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V

Tout en rendant hommage au marquis d’Hautpoul, il est difficile de croire que les quatre mois qu’il a passés à Prague aient été seuls utiles à la formation des idées et du caractère du Duc de Bordeaux. Nous ne prétendons pas que rien, dans le système d’éducation suivi avant lui, ne pût prêter à la critique. Mais s’il est un reproche qu’ait mérité le baron de Damas, on nous pardonnera de douter que ce fût, comme le dit M. d’Hautpoul, d’avoir prolongé dans son élève « un état d’enfance et de nullité personnelle, » en ayant avec lui « des façons de nourrice. »

Tout au contraire, dans une note du 20 avril 1833, restée pendant plusieurs jours dans les mains de la Dauphine, M. de Damas demandait qu’il fût permis au Duc de Bordeaux de demeurer seul pendant la nuit.


Je désire aussi, ajoutait-il, que le public et les personnes qui environnent la famille royale perdent l’idée trop enracinée que l’existence de M. le Duc de Bordeaux dépend d’un nombreux entourage.


Il demandait que M. de la Villatte échangeât son titre de premier valet de chambre contre celui d’officier d’ordonnance, qui eût été plus digne et du prince et de lui.


Mais il ne suffit pas, ajoutait-il, de bien entourer mon élève, il faut encore lui préparer des amis pour la bonne comme pour la mauvaise fortune, des relations sociales qui présentent des ressources contre les dangers du désœuvrement, s’il doit vivre dans l’exil, et qui, sur le trône même, puissent recevoir les épanchemens de son cœur.


Et le baron proposait de faire connaître au Duc de Bordeaux les jeunes princes et les enfans des familles princières d’Autriche, d’acquérir pour lui une habitation qui lui serait propre et où il recevrait la famille royale pendant une partie de l’année, de le faire voyager. On devait, dès à présent, songer pour l’avenir à un mariage digne de son rang.

Comme exemple de l’état d’enfance dans lequel on tenait le Duc de Bordeaux, M. d’Hautpoul assure qu’il ne savait pas s’habiller seul. Or, M. d’Hardiviller, maître de dessin, retraçant l’emploi d’une journée de son élève en Écosse, écrivait, d’un style que M. de Pêne compare fort justement à celui des héros de Mme Cottin, mais qui n’ôte rien à sa sincérité :